« Les méthodes de procréation progressent en bouleversant notre conception du couple, de la famille, de la filiation »… Quelles conséquences pour l’enfant ?
Cette table ronde du Forum Européen de Bioéthique réunissait Christian Flavigny, psychanalyste, pédopsychiatre au département de psychanalyse de l’enfant à l’hôpital de la Salpêtrière, Martine Gross, ingénieur de recherche en sciences sociales au CNRS, Serge Hefez, psychiatre et psychanalyste à l’hôpital de la Salpêtrière, Ludovine de la Rochère, présidente de La Manif Pour Tous, Jean Richard Freymann, psychanalyste et psychiatre au CHU de Strasbourg, et Pauline Tiberghein, de l’association procréation médicalement anonyme.
Parmi les diverses prises de position, Pauline Tiberghein a soulevé le problème des « bricolages autour de la filiation » : « depuis trente ans dans les centres d’AMP, des centaines d’enfants [nés par don de gamètes] sont privés d’une partie de la connaissance d’eux-mêmes ». A force de « petites transgressions », nous arrivons aujourd’hui à de « grandes dérives ». Le principe d’anonymat du don de gamètes a été « pensé pour les couples mais non pour les enfants », pourtant « il ne faut confondre le désir des adultes et la réalité de ce que l’on va imposer aux enfants ». En outre, le respect de la dignité de l’enfant à naître devrait « imposer aux médecins des centres d’AMP de refuser les demandes acrobatiques et farfelues ».
Pour Christian Flavigny, il y a aujourd’hui une « confusion » car nous nous inspirons des Etats-Unis où la problématique est différente. Aux Etats-Unis, « la filiation est marchandisée, la vente d’ovules est donc possible, le rapport au corps est différent ». En France, nous devons maintenir le principe d’indisponibilité du corps. Il a rappelé avec force que l’adoption par un couple homosexuel n’est pas dans l’intérêt de l’enfant : un enfant « a besoin de construire sa raison d’être au monde, ce qui est facilité par un enfantement crédible ». Les lois de la parenté sont « constitutives, universelles, essentielles » pour l’enfant.
Ludovine de la Rochère a soulevé de nombreuses questions que soulève la déconnection entre filiation et procréation : questions psychologiques, affectives, médicales. Un enfant ne peut se construire dans l’unité si ses dimensions biologiques, juridiques, psychiques sont séparées. Elle a également rappelé que l’adoption vise à réparer un drame, elle n’est pas au service d’adultes en mal d’enfant.