PMA : des donneurs et des scandales en série

Publié le 10 Juin, 2025

Aux Pays-Bas, une clinique de PMA de Leiderdorp a sciemment utilisé le sperme de « donneurs en série » pendant plus d’une décennie, en violation des directives nationales. En effet, entre 2006 et 2017, le Medisch Centrum Kinderwens (MCK), l’une des plus grandes cliniques de fertilité néerlandaise, a utilisé le sperme de 36 donneurs, « bien au-delà de la limite légale de 25 enfants par donneur ». Au total, plus de 1 200 enfants et plus de 900 mères seraient concernés.

La direction actuelle du MCK a confirmé les infractions, mais les a imputées à une politique introduite par les précédents directeurs de la clinique, qui découlait de la « pénurie de donneurs, de la forte demande des futures mères et du souhait d’avoir des frères et sœurs issus du même donneur ».

25 familles au lieu de 25 enfants

La limite de 25 enfants a été fixée aux Pays-Bas en 1992 afin de réduire le risque que des demi-frères ou des demi-sœurs entrent en relation sans le savoir (cf. Son père a « vendu 500 fois son sperme », il est obnubilé par le spectre d’un inceste) et de « garantir que les donneurs puissent maintenir un contact raisonnable avec leur progéniture ». Les cliniques ne peuvent dépasser cette limite que dans des cas « exceptionnels » et avec le plein consentement des personnes concernées.

Au lieu de cela, le MCK a demandé aux donneurs de signer des contrats par lesquels ils s’engageaient à faire un don à 25 familles, une pratique qui a permis d’augmenter « considérablement » le nombre d’enfants nés. Certains donneurs ont depuis engendré jusqu’à 50 enfants aux Pays-Bas et à l’étranger.

Une marchandisation des donneurs et des enfants

Les donneurs eux-mêmes ne savaient pas que cette pratique était contraire aux règles. Et les parents ignoraient que ces gamètes avaient servi à donner naissance à un nombre d’enfants bien supérieur à celui autorisé.

La fondation Donorkind, qui apporte son soutien aux enfants nés d’un « don » de gamètes, a qualifié les agissements de MCK de « trafic d’enfants criminel ». « Les parents potentiels ont été traités comme des clients qui paient, les donneurs comme des matières premières et les enfants comme des produits », a déclaré un porte-parole de l’association.

Bien que la direction actuelle du MCK ait mis fin à cette pratique en 2017, elle a choisi de ne pas informer les donneurs ou les familles concernés et n’a pas signalé les infractions à l’inspection.

Des affaires qui se multiplient

En novembre dernier, l’hôpital universitaire de Leyde (LUMC) avait indiqué que son ancienne banque de sperme était « en proie à des problèmes administratifs » et que 440 personnes avaient plus que les 25 demi-frères et sœurs autorisés par la loi (cf. Pays-Bas : entrée en vigueur d’une limite de 12 familles par donneur). Dans cette affaire, le sperme de neuf donneurs avait été utilisé plus que les 25 fois prévues. Un homme a même engendré 86 enfants. Il s’avère également que certains frères et sœurs ont des pères différents.

En avril 2023, le Néerlandais Jonathan Jacob Meijer, dont on pense qu’il a engendré des centaines d’enfants suite à ses dons de sperme, s’est vu ordonner par la justice de cesser immédiatement cette pratique (cf. Un donneur de sperme et 550 naissances).

Vers une règlementation en Suisse

En Suisse, un donneur de sperme ne peut pas engendrer plus de huit enfants. Comme en Belgique ou aux Pays-Bas, cette règle a été enfreinte à de nombreuses reprises, « faute de contrôle ».

Selon les données de l’Office fédéral de l’état civil (OFEC) 55 donneurs avaient déjà dépassé la limite autorisée il y a près de 15 ans. Au total, entre 500 et 700 enfants nés entre 2001 et 2011 seraient concernés. Or, en raison d’une absence de base légale pour que l’OFEC puisse exercer un contrôle, ces infractions avaient été communiquées aux cantons, sans toutefois entraîner de poursuites.

La Confédération examine actuellement si le contrôle du respect des règles en matière de don de sperme peut lui être confié sur la base du registre des donneurs de l’OFEC. Le gouvernement suisse veut en effet éviter « ce qui se passe depuis longtemps au niveau mondial » : « le don de sperme est devenu un business dans lequel on peut (presque) tout acheter avec suffisamment d’argent ». Un marché dont le chiffre d’affaires est estimé à 5 milliards de dollars, avec un taux de croissance de l’ordre de 5%, selon les analystes.

Car les banques internationales sont autorisées à vendre les gamètes d’un homme dans chaque pays « autant de fois que l’autorise la législation locale ». Ainsi, l’European Sperm Bank peut proposer le même donneur jusqu’à 75 familles. Celles qui souhaitent un peu plus d’« exclusivité » doivent payer un supplément.

 

Sources : Dutch news (07/06/2025) ; 20 minutes, Ellen Weigand (08/06/2025) – Photo : iStock

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