Le 27 mai, les députés ont adopté, en première lecture, les deux propositions de loi relatives à la fin de vie : celle sur les soins palliatifs a été adoptée à l’unanimité [1] ; celle consacrant un « droit à l’aide à mourir » a recueilli 305 voix pour et 199 contre sur 561 votants [2] (cf. « Droit à l’aide à mourir » : l’essentiel du texte sur lequel les députés vont se prononcer). Ainsi, 54% des députés présents dans l’hémicycle se sont prononcés en faveur d’un « droit à l’aide à mourir ». En 2021, ils étaient 84% (cf. La PPL Falorni tombe en désuétude – le spectacle exagéré des promoteurs de l’euthanasie).
Un texte promu comme « équilibré »
Lors des explications de vote des différents groupes parlementaires, les orateurs en faveur d’un « droit à l’aide à mourir » se sont succédé dans une surenchère de grandiloquence.
« C’est un texte équilibré, c’est un texte solide, qui s’appuie sur un seul mot : discernement », assure Philippe Vigier (Les Démocrates). Des qualificatifs également employés par Nicole Dubré-Chirat (Ensemble pour la République) qui considère le second texte comme étant dans « dans la continuité et la complémentarité » de celui dédié aux soins palliatifs. Vincent Ledoux (Ensemble pour la République) partage ce point de vue.
« Ce nouveau droit n’enlève rien aux autres », affirme Philippe Vigier. Agnès Firmin Le Bodo (Horizons et Indépendants) va, elle, jusqu’à oser : « Ce combat a été animé par la vie ».
« Ces deux textes seront le symbole de cette législature »
« Nous avons bâti un modèle français de la fin de vie », se réjouit Elise Leboucher (LFI-NFP). Stéphane Delautrette (Socialistes et apparentés) avance de son côté : « Ces deux textes seront le symbole de cette législature », interpellant : « Nous devons être au rendez-vous de l’histoire ».
Yannick Monnet (Gauche Démocrate et Républicaine), lui, ne s’en cache pas : « Il s’agit d’un engagement de rupture ». L’absence de délit d’incitation qu’il regrette ne l’empêchera toutefois pas de voter le texte (cf. Double peine pour le délit d’entrave, absence de délit d’incitation : les députés concluent l’examen de la proposition de loi relative au « droit à l’aide à mourir »). « Je suis convaincue qu’il reste encore beaucoup à faire pour éviter les dérives », déclare quant à elle Nathalie Colin-Oesterlé (Horizons et Indépendants). L’élue choisira de s’abstenir.
« Disposer de son corps », de l’IVG à l’euthanasie
Pour René Pilato (LFI-NFP), « la question est : à qui appartient mon corps ? » (cf. Je suis mon corps). « Nous disposons de notre corps mais avec des règles comme pour l’IVG et la PMA », considère le député.
« Ce n’est pas une loi sur le handicap, c’est une loi sur la fin de vie, affirme Sandrine Rousseau (Ecologiste et Social). Ce n’est pas une loi de tri. C’est une loi de liberté, de libre-choix ». « Est-ce qu’on est libres quand on est dépressifs ? Est-ce qu’on est libres quand on est pauvres ? », lui objectera Philippe Juvin (Droite Républicaine) « Quand on est pauvre et seul, la liberté de choix est faussée. »
« N’imaginons pas que cette loi offre une liberté de choix »
« Chers collègues, nous en appelons à la fraternité », déclare solennellement Stéphane Delautrette. « Notre République est celle des Lumières. » (cf. Fin de vie : liberté, dignité, laïcité ?) Marie-Noëlle Battistel (Socialistes et apparentés) invoquera elle aussi la République : « La République ne détourne pas le regard face à la souffrance », proclame l’élue.
Mais en face, chez les parlementaires qui se sont opposés sans relâche à la légalisation de la mort administrée, le vertige est là. « Peu de votes mettront autant en jeu notre conscience », prévient Vincent Trébuchet (UDR). « Le moment est grave », abonde Christophe Bentz (Rassemblement National). Le député rend hommage aux soignants et aux aidants et lance, s’adressant aux malades, aux personnes en fin de vie : « Vous êtes magnifiques, vous êtes uniques, vous êtes précieux ».
Philippe Juvin évoque aussi les personnes handicapées, ces « éligibles », interpellant ses collègues : « Vous ne voyez pas toute la violence de la proposition ? » « N’imaginons pas que cette loi offre une liberté de choix », le rejoint Patrick Hetzel (Droite Républicaine). Au contraire, les soins palliatifs « sont une promesse, celle de l’humanité partagée jusqu’au bout ».
« Si vous ouvrez la porte de l’abandon, vous ne la refermerez plus jamais »
Ainsi, les députés seront restés en majorité sourds à toutes les alertes qui leur sont parvenues. Celle de psys (cf. « Droit à l’aide à mourir » : « c’est une capitulation, pas une compassion »), celle des familles de personnes porteuses de déficience intellectuelle (cf. « Un gros risque en plus » : exclure les personnes handicapées du dispositif légal de mort administrée est « une urgence absolue »), celle des juristes (cf. Ouverture du « droit à l’aide à mourir » : une « profonde et irréparable injustice »), celle des médecins (cf. Claire Fourcade : depuis le mois de juin, « il n’y a pas eu un seul patient ni une seule famille qui m’ait demandé où en était ce projet de loi »), celle des bénévoles en soins palliatifs (cf. « Être là » – Le témoignage d’un avocat engagé en soins palliatifs face au projet de légalisation de l’euthanasie). Et celle des patients eux-mêmes (cf. Fin de vie : « ayez le courage de nous laisser vivre ! »).
« Non, les personnes handicapées ne sont pas concernées », a tenté de rassurer Philippe Vigier. Mais les premiers concernés ne sont pas dupes. Ils ont reçu le message envoyé par les élus. « Ce n’est pas parce qu’on ne dit pas directement à quelqu’un qu’il est un fardeau qu’il ne l’entendra pas », alerte Hanane Mansouri (UDR).
Le message envoyé aux soignants n’est pas moins brutal : « La main la plus compatissante n’est plus celle qui soigne mais celle qui accepte de laisser partir », a ainsi déclaré Laurent Panifous (LIOT). Les soignants apprécieront (cf. Claire Fourcade : « Je suis médecin, la mort n’est pas mon métier »).
Un combat déjà terminé ?
Les deux textes vont désormais être transmis au Sénat. La navette parlementaire sera-t-elle achevée avant la fin de la législature en 2027 ? C’est loin d’être assuré. Le président de la République pourrait aussi décider de recourir au référendum, dans l’objectif de parfaire son tableau de chasse sociétal (cf. De la loi Veil à l’inscription de l’avortement dans la Constitution).
Ce mardi Christophe Bentz a pourtant prévenu : « Si vous ouvrez la porte de l’abandon, vous ne la refermerez plus jamais ».
[1] 560 voix pour, aucune contre. Le détail des votes est disponible ici.
[2] 504 se sont exprimés. Le détail des votes est disponible ici.