Personnes âgées, handicapées : tous égaux face à l’accès au soin ?

Publié le 6 Avr, 2020

« Deux associations ont déposé une requête devant le Conseil d’Etat pour obtenir que le gouvernement fixe des règles pour l’accès aux soins des personnes âgées victimes du Covid-19. » Le référé, daté du 2 avril, « met en avant la “rupture d’égalité” tant dans l’accès aux soins que dans le traitement de la fin de vie », évoquant un « massacre silencieux ». Il « demande au Conseil d’Etat “d’enjoindre au Premier ministre de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’édicter, dans l’urgence, des directives et un protocole explicites et de mettre en place une organisation pratique pour encadrer la décision de faire bénéficier de soins hospitaliers ou de laisser mourir les personnes qui se trouvent dans les Ehpad ou à domicile et qui sont atteintes par des formes graves du Covid-19” ». Une « procédure d’urgence » qui « permet de contraindre l’exécutif à prendre dans un délai très bref “toutes les mesures nécessaires” quand l’administration porte “une atteinte grave et manifestement illégale” à une liberté fondamentale, et ce dans l’exercice de l’une de ses prérogatives ». La décision du Conseil d’Etat est « attendue dans la semaine ».

 

« On sait qu’il y a un tri des patients », affirme Michel Parigot, mathématicien, chercheur au CNRS et président de l’association Coronavictimes, « mais il doit être fonction de critères médicaux précis, et ne peut répondre à une carence de moyens », juge-t-il. D’après lui, « aujourd’hui des personnes avec une espérance de vie longue, qui avaient des chances de s’en tirer, (…) ne seront pas soignées faute de moyens ». L’association « réclame “de toute urgence” un traitement équitable et transparent des malades ».

 

Estimant que « le problème est né de l’inaction du gouvernement en matière de prévention et d’adaptation du système hospitalier », Michel Parigot indique « lui demande[r] d’assumer ces choix au lieu de se défausser sur les médecins ». Selon Me Guillaume Hannotin, conseil de Coronavictimes, « aucune disposition n’a été prise [dans la loi d’urgence sanitaire du 23 mars] pour assurer aux personnes qui vont mourir du Covid-19 hors du système hospitalier, dont l’accès leur est dénié, des soins palliatifs de qualité leur garantissant une fin de vie digne et sans souffrance ». « La véritable cause de leur décès ne sera pas le virus, mais la pénurie de matériel et la désorganisation des soins face à cette maladie », estime-t-il. « Le silence du gouvernement ajoute au dénuement matériel, auquel sont déjà confrontés les soignants, une forme de dénuement moral et juridique, explique l’avocat, en leur faisant porter la responsabilité du tri des patients sans en fixer le cadre qui relève d’un choix de société ».

 

Pour Michel Parigot, « le “choix” réalisé ne doit pas seulement être juste, mais aussi être perçu comme tel par les malades et leurs familles, précise-t-il. Ils doivent être assurés qu’un handicapé soit traité comme une personne valide et que le niveau social n’entrera pas en compte dans le choix ». Une préoccupation également portée par le Collectif Handicaps, « regroupant 48 associations », qui, se basant sur « des remontées de terrain », « avait alerté les pouvoirs publics sur les risques d’un possible “tri” des patients dans la prise en charge aux urgences, et notamment en amont, lors des appels au centre 15 ».

 

En réponse, le ministre de la santé, Olivier Véran, a assuré à Sophie Cluzel, secrétaire d’État aux personnes handicapées que « les personnes handicapées doivent bénéficier des mêmes soins que le reste de la population. Le handicap ne doit pas être un critère de refus de soins, que l’on parle d’une hospitalisation simple ou d’une réanimation».

 

Rassuré par cette « réponse nationale claire », Arnaud de Broca, président du Collectif Handicaps, a toutefois appelé les associations à « rester en alerte ». « 10 millions de personnes souffrent d’un handicap » en France, « soutenues par 8 millions de proches aidants qui, chaque jour, s’efforcent de s’adapter à la crise ».

 

 

Pour aller plus loin :

Covid-19 : les droits des personnes handicapées en conflit avec la logique utilitariste

Le “tri des patients” en cours en Ile-de-France, des soignants appellent à des mesures pour préserver les personnes âgées

COVID-19 : des personnes âgées incitées à « réfléchir à deux fois » avant de recourir aux soins intensifs

Covid-19 : des patients incités par leur médecin à signer un formulaire « ne pas réanimer »

AFP (05/04/2020) – Le Monde, Stéphane Foucart (05/04/2020) – La Croix, France Lebreton, Coronavirus : vigilance pour un égal accès aux soins des personnes handicapées (05/04/2020)

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