Pénurie d’ovocytes ?

Publié le 26 Juin, 2006

Libération revient sur l’annonce de deux universités américaines – Harvard et l’Université de Californie à San Francisco (UCSF) – de relancer la recherche sur le clonage thérapeutique et soulève la question du don d’ovocytes.

Le Pr Hwang avait recueilli 2061 ovocytes auprès de 129 femmes pour tenter, en vain, d’obtenir un embryon de clone humain. “Combien faudra-t-il d’ovocytes pour faire des batteries de clones d’embryons humains suffisamment bien développés pour qu’on puisse en tirer des cellules souches et mener des recherches sur leur potentiel usage médical ?” s’interroge le quotidien. Les ovocytes sont des cellules rares qui ne survivent pas à la congélation et ne peuvent donc être stockées. Seul recours : l’hyperstimulation ovarienne. Proposé habituellement aux couple infertiles, ce traitement hormonal lourd présente de nombreux désagréments et des risques non négligeables. Commentant les travaux du Pr Hwang, David Magnus et Mildred K. Cho, chercheurs à l’université de Stanford, indiquent, dans un article publié en juin 2005 dans la revue Science, que “entre 0.3% et 5% ou jusqu’à 10% des femmes ont un syndrome d’hyperstimulation ovarienne qui peut causer des douleurs et occasionnellement conduire à une hospitalisation, des problèmes rénaux, une infertilité et même la mort“. Les deux auteurs soulignaient que ces recherches soulevaient des questions éthiques. Considérées ni comme des volontaires sains inclus dans un essai thérapeutique, ni comme des donneuses d’organes, quel est le statut des femmes qui donnent des ovocytes pour la recherche sur le clonage ? David Magnus et Mildred K. Cho concluaient à l’apparition d’une “nouvelle catégorie de patients” qu’il reste à définir plus précisément pour éviter les dérives contraires à l’éthique de la recherche biomédicale. 

Mais cette question n’a trouvé que peu d’écho, alors que la communauté de biologistes travaillant sur les cellules souches embryonnaires a “applaudi sans sourciller“, note Libération, aux pseudo exploits du Sud-Coréen. Libération estime qu’en France il n’y a eu aucun questionnement public alors qu’en octobre 2005, le député radical Robert-Gérard Schwartzenberg déposait une proposition de loi visant à autoriser les recherches sur le clonage thérapeutique ; et qu’en novembre Marc Peschanski, spécialiste de la thérapie cellulaire à l’Inserm, devait remettre au Pr Hwang le Prix des victoires de la médecine.

Pourtant, peu après, la vérité a éclaté sur la manière dont Hwang a obtenu les ovocytes nécessaires à ses travaux : intimidation et utilisation de quelques millions de dollars issus de subventions privées ou publiques. “Dès le 4 janvier 2006, trente associations féministes sud-coréennes demandaient une enquête sur la façon dont le médecin s’était procuré des ovocytes et accusaient le gouvernement d’avoir fermé les yeux sur la souffrance des femmes tant il était hypnotisé par les profits potentiels du clonage thérapeutique” rappelle Libération. Deux donneuses ont ensuite porté plainte contre l’État pour n’avoir pas été informées des risques qu’elles prenaient.

La commission des droits des femmes ne s’est pas intéressée à la question, les féministes étant a priori en bloc pour le clonage thérapeutique, vu que ceux qui s’y opposent militent pour l’embryon, contre l’avortement” note Geneviève Fraisse, philosophe, directrice de recherche au CNRS. Judy Norsigian, directrice générale du mouvement féministe américain Our Body Ourselves, estime pourtant que “le mérite des recherches sur le clonage n’est pas si grand que des femmes doivent prendre de tels risques“.

Pour éviter l’hostilité à la fois des antiavortements et des féministes, la communauté scientifique tente de répondre à la question suivante : “comment obtenir des ovocytes en respectant l’éthique de la recherche médicale qui, depuis la déclaration d’Helsinki adoptée en 1964 dans la foulée du procès de Nuremberg, interdit de mettre en péril la santé d’une personne au prétexte que l’expérience servira la santé du plus grand nombre ?“.

Première réponse : la gratuité, conformément au code de santé publique français. Seuls les frais directs sont remboursés et une assurance médicale est prise en charge pour couvrir les risques santé liés au traitement. C’est l’option choisie par Harvard et l’UCSF, qui se réservent aussi le droit d’utiliser des ovocytes recueillis par des cliniques de fertilité et jugés “inaptes” pour la fécondation in vitro.

Deuxième réponse : “la compensation”. En Espagne, les donneuses perçoivent une rétribution en reconnaissance du risque pris et de la douleur. En résulte un véritable gisement, issu de toute l’Europe, dont les laboratoires de recherche pourraient être tentés de profiter. “Si le clonage tient ses promesses et que les recherches se multiplient, il y aura alors des risques très importants de commercialisation des dons et d’exploitation des femmes” prévient Jaqueline Mandelbaum, biologiste spécialiste de la fécondation in vitro à l’hôpital Tenon.

Troisième réponse : acheter les ovocytes, en vente libre aux Etats-Unis, dans la plupart des pays du monde et sur Internet.

Libération (Corinne Bensimon) 24 et 25/06/06

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