OPECST : L’avant-première du débat sur la fin de vie

Publié le 21 Jan, 2015

L’office Parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) tenait hier une audition  sur « l’état des lieux de la gestion actuelle de l’apaisement de la douleur et perspectives médicales de son amélioration ».  Cette audition se déroule la veille du débat parlementaire sur la fin de vie qui se basera sur la proposition de loi Leonetti-Claeys, remise au Président de la république en décembre dernier.   

 

Les nombreux professionnels auditionnés, au premier rang desquels Messieurs Claeys et Leonetti, sont unanimes sur trois points :          
La loi Léonetti est mal connue et mal appliquée. Cette mauvaise effectivité de la loi, « c’est une faute collective, pas la faute des soignants seuls » explique le Dr Patrick Bouet[1], « il faut que le système médical les forme et leur permette de mettre en place les mesures prévues ». En effet, illustre Xavier Mirabel, « si en EHPAD [par exemple] il n’y a pas d’infirmières de nuit, ce n’est pas la peine de réfléchir à y soulager la douleur, puisqu’il n’y a pas d’effecteur ».

Les soins palliatifs sont trop peu développés en France. Alain Claeys rappelle que seuls 20% des patients qui devraient accéder aux soins palliatifs en bénéficient. « Il faut promouvoir les soins palliatifs dans toutes les régions de France » insiste Mme Jeanne-Yvonne Falher[2]. Mme Michèle Leduc[3] témoigne quant à elle du professionnalisme et de l’humanité dont on fait preuve les équipes de soins palliatifs auxquelles elle a été confrontée, mais s’étonne : « Même dans un grand hôpital parisien, il n’y avait que 9 lits disponibles pour ces soins. Je me suis demandé comment faisait ceux qui n’en bénéficiaient pas. »

Les médecins ne sont pas formés à la prise en charge palliative. « Le soulagement de la douleur et de la souffrance n’est pas entré dans la pratique médicale » regrette Jean-Claude Ameisen[4]. « Il y a un vrai chantier à ouvrir sur la formation initiale et continue » des soignants, confirme Xavier Mirabel[5]. Didier Sicard appelle d’ailleurs de ses vœux « une culture palliative dynamique, passionnante, où les jeunes médecins se dirigent avec enthousiasme ».

 

La proposition de loi Leonetti-Claeys ne semble pas comporter de réponse à ces écueils. Elle s’attache en effet à créer de nouveaux droits :- la sédation profonde jusqu’au décès associée à l’arrêt de l’hydratation et de l’alimentation ; – l’opposabilité des directives anticipées. Monsieur Leonetti les justifie comme une rupture avec une « médecine archaïque, paternaliste et autoritaire » (voir décryptage de la proposition de loi ici).

 

Certains professionnels auditionnés pointent les écueils de la sédation profonde jusqu’au décès.   

La proposition de loi tente de répondre à la « souffrance », au « mal mourir » en France par la sédation profonde relève Emmanuel Hirsh. Mais « quels que soient les chiffres, il vaudrait mieux regarder, comment on meurt bien en France, et pourquoi les endroits qui le permettent ne sont pas suffisamment soutenus » poursuit-il. Il soutient que « la souffrance de l’autre appelle autre chose que la sédation ». En effet, explique M. Patrick Verspieren[6], « la sédation n’est pas satisfaisante quand elle est profonde et continue ». Elle est d’une « grande violence » : « ce n’est pas sans appréhension que les infirmières l’administrent », et entraine une grande angoisse chez le patient : « Docteur je ne me réveillerai pas ? » analyse-t-il. Pour lui, « la banalisation, la généralisation d’une telle pratique aurait des effets très regrettables ». Le docteur Vincent Morel[7], rappelle qu’aujourd’hui, « nous avons pleins d’autres solutions pour soulager les douleurs, apaiser les souffrances. La sédation n’est pas la solution prioritaire ». Ce droit à la sédation créé par la proposition de loi exige de faire attention exprime le Pr Jean-Noël Fiessinger[8]: « L’avis du patient change tellement vite. Les équipes doivent être soudées autour d’un vrai projet de soins ».

 

D’ailleurs il faut se garder de « l’utopie que la médecine et les soins palliatifs calmeraient  la souffrance de la séparation », conclut Vincent Morel. En effet, le « zéro douleur, zéro souffrance » n’existe pas comme la nature humaine nous le montre insiste Xavier Mirabel. Les médecins n’y pourront donc pas grand-chose même avec une sédation profonde jusqu’au décès. C’est une réflexion sur l’acceptabilité de la mort qu’il faut aussi et avant tout mener dans notre société.              

 

 

[1] Président du Conseil national de l’Ordre des médecins.

[2] Membre du conseil d’administration de la Fédération « Jusqu’à la mort accompagner la vie ». 

[3] Présidente du comité d’éthique du CNRS

[4] Président du CCNE

[5] Médecin oncologue, conseiller médical d’Alliance Vita.

[6] Philosophe, membre du groupe de réflexion bioéthique du secrétariat de la commission des épiscopats de la Communauté européenne

[7] Président de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP)

[8] Membre de l’Académie nationale de médecine, chef du service de médecine vasculaire et d’hypertension artérielle à l’hôpital Georges Pompidou, membre du CCNE

 

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