One of Us : l’initiative Citoyenne Européenne pourra-t-elle défendre l’embryon en Europe ?

Publié le 26 Mar, 2019

L’audience hier de la grande chambre de la Cour de Justice de l’Union Européenne décidera de l’avenir du mécanisme d’Initiative Citoyenne Européenne.  

Le 25 mars 2019, la grande chambre de la Cour de Justice de Union Européenne a entendu en appel l’affaire One of Us e. a. /Commission européenne. Le 28 mai 2014, la Commission européenne avait refusé de donner suite à l’Initiative Citoyenne Européenne (ICE) qui avait recueilli près de 2 millions de signatures d’européens. Ils souhaitant attirer l’attention des instances européennes sur « la dignité et l’intégrité de l’embryon humain » demandant qu’elles soient « respectées ». L’ICE voulait, au titre de l’arrêt Brüstle contre Greenpeace qui définit l’embryon humain comme « le commencement du processus de développement d’un  être humain », que l’Union européenne interdise et mette fin « au financement des activités qui impliquent la destruction d’embryons humains, en particulier dans les domaines de la recherche, de l’aide au développement et de la santé publique ». Des activités contradictoires avec les principes posés dans cet arrêt. L’ICE, qui a rempli toutes les conditions règlementaires, est aussi celle qui a réuni, dans le temps imparti, le plus de signatures et donc d’adhésion.

Cette dernière audience, menée par 15 juges a duré plus de deux heures trente, était le dernier recours pour faire entendre la voix des signataires. Les discussions se sont concentrées sur l’étendue du pouvoir de la Commission européenne : peut-elle refuser, tant sur le plan juridique que sur celui des motifs politiques, de donner une suite législative à une Initiative Citoyenne Européenne ayant réuni avec succès toutes les conditions règlementaires et collecté plus d’un million de signature ?

De son côté, la Commission européenne a défendu un pouvoir discrétionnaire de refuser une ICE, uniquement soumis à un contrôle juridictionnel restreint, c’est-à-dire à la contestation de sa décision par les juges mais limitée aux erreurs manifestes.

L’ICE One of Us a, quant à elle, défendu que la faculté pour la Commission européenne de refuser les initiatives réussies étaient limitée, considérant qu’il n’appartenait pas à la Commission de porter une appréciation politique sur l’initiative dès lors que l’initiative avait satisfait à toutes les conditions tant sur le fond qu’en nombre de signatures. De fait, il est assez troublant que la Commission, ayant plusieurs fois accepté d’enregistrer des pétitions après contrôle, refuse ensuite d’y prêter attention. Elle ne semble pas considérer la finalité législative de l’initiative ne s’y attachant pas plus qu’à une pétition ou qu’à une lettre ouverte adressée aux institutions européennes. Une posture contraire à l’intention qui a présidé à sa mise en place. L’enjeu essentiel était d’instaurer un mécanisme où les citoyens auraient vraiment l’initiative ; le véritable pouvoir de proposer un texte. Il est en effet prévu que les ICE puissent donner lieu à l’adoption d’une ou plusieurs propositions d’actes juridiques et à un calendrier de mise en œuvre.

À ce jour, aucune des quatre ICE ayant rempli l’ensemble des critères n’a abouti. Aussi, la décision des juges de la Cour de Justice de l’Union européenne sera-t-elle décisive quant à la crédibilité de ce mécanisme démocratique.

Si la Cour de Justice donnait raison à l’ICE One of us, celle-ci devra être prise en compte dans le processus législatif. Si elle se prononçait en faveur d’un pouvoir discrétionnaire de la Commission européenne, ce serait une fin de non-recevoir apportée au mécanisme permettant à un million de citoyens d’être force de proposition de loi.

L’avis de l’Avocat général sera rendu public le 13 juin prochain. L’arrêt contenant la décision elle-même interviendra plus tard, probablement à l’automne. Ce sera une décision finale : elle relancera l’ICE, ou bien mettra définitivement fin à la voix de deux millions de citoyens européens.

Grégor Puppinck

Grégor Puppinck

Expert

Grégor Puppinck est Directeur de l'ECLJ. Il est docteur en droit, diplômé des facultés de droit de Strasbourg, Paris II et de l'Institut des Hautes Études Internationales (Panthéon-Assas).

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