ONE OF US gagne une victoire morale : la Commission européenne admet des incohérences et des informations inexactes

Publié le 30 Mar, 2015

L’initiative citoyenne européenne (ICE) ONE OF US a été lancée au niveau européen en 2012. Plus d’1,7 million de signatures ont été récoltées à travers l’Europe pour demander un plus grand respect de l’embryon humain, qui est l’« UN DE NOUS ». Il était notamment demandé à l’Union européenne d’arrêter de financer des recherches nécessitant la destruction d’embryons humains, et de ne plus financer d’avortements, notamment dans les pays où cette pratique est illégale, au titre de sa politique d’aide au développement.

G : Vous avez déposé au nom de ONE OF US un recours contre la décision de la Commission européenne du 28 mai 2014 : où en est la procédure ? 

Grégor Puppinck : Après avoir reçu communication par la Commission européenne de sa décision de rejet de l’initiative citoyenne européenne (ICE) ONE OF US du 28 mai 2014, les organisateurs de l’ICE ont saisi le Tribunal de l’Union européenne pour en demander l’annulation par une requête du 25 juillet 2014 (affaire T 561/14). Enfin, nous avons reçu la défense de la Commission européenne, c’est-à-dire sa réponse à notre requête.

G : Etes-vous satisfaits de la réponse de la Commission ?

GP : La réponse de la Commission est un aveu : celui de son refus de la démocratie participative ; et ce procès est aussi celui du refus par la Commission de respecter la démocratie participative.

La défense de la Commission est basée uniquement sur des arguments de forme. Elle évite le fond du dossier. La Commission soutient que la communication ne serait « pas un acte légal produisant des effets juridiques », et que pour cette raison, l’action en justice initiée par ONE OF US devrait être déclarée irrecevable. Concrètement, cela signifie que la Commission aurait le pouvoir de faire échec à toute Initiative Citoyenne de façon arbitraire, sans aucun contrôle ni limite. Si le Tribunal de l’Union européenne acceptait cela, cela reviendrait de facto à retirer toute utilité et crédibilité au mécanisme d’ICE qui se veut un mécanisme de participation directe des citoyens à la vie politique de l’Union européenne.

La Commission européenne va très loin en affirmant qu’il n’était pas requis que la réponse à l’ICE soit fondée sur des raisons ou sur des affirmations factuelles précises, le seul but de la réponse étant, selon elle, de « permettre un débat politique possible parmi les citoyens et au sein des institutions européennes ». La Commission européenne semble donc penser qu’un tel débat ne pourrait avoir lieu sans sa communication, quand bien même cette communication contiendrait des incohérences et des erreurs (cf § 39 de la défense de la Commission).

La Commission affirme que la qualité de sa réponse importe peu tant que l’obligation formelle de donner une réponse à l’ICE a été remplie et qu’elle ne contient pas d’erreur ayant une « extrême » gravité.  Ceci signifie qu’une réponse de la Commission devrait être acceptée, même si elle est erronée, tant que cette erreur n’est pas « extrême ». (cf § 48 de la défense de la Commission).

La Commission européenne n’essaye même pas de convaincre le Tribunal que la réponse donnée à l’ICE ONE OF US était basée sur des affirmations et des interprétations légales correctes. Elle soutient que les erreurs factuelles et juridiques contenues dans sa décision 28 mai 2014 n’étaient pas « extrêmes » et devraient donc être acceptées.

La Commission européenne n’essaye même pas de défendre sa communication du 28 mai 2014 contre les critiques fondées qui se sont élevées. Cela signifie que, quelque soit l’issue de ce recours, ces critiques demeureront sans réponse.

Cette réplique de la Commission est déjà, sur le fond, une victoire morale.

G : Quelles sont les prochaines étapes de ce recours devant le Tribunal de l’Union européenne ?

GP : Avec Me Claire de La Hougue, l’avocate de ONE OF US, nous allons répondre à la défense de la Commission avant le 14 avril 2015. La Commission pourra ensuite encore y répondre, puis le Tribunal fixera la date de l’audience, peut-être l’hiver prochain. Enfin le Rapporteur Général puis le Tribunal se prononceront.

Grégor Puppinck

Grégor Puppinck

Expert

Grégor Puppinck est Directeur de l'ECLJ. Il est docteur en droit, diplômé des facultés de droit de Strasbourg, Paris II et de l'Institut des Hautes Études Internationales (Panthéon-Assas).

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