Obtenir des cellules souches embryonnaires sans léser l’embryon : éclairage sur un effet d’annonce

Publié le 29 Jan, 2014

 

 

 Le 27 janvier 2014, la revue Nature Communication publie la “découverte” de l’équipe du Dr.Karl Tryggvason, professeur de chimie médicale à l’institut Karolinska en Suède. Cette découverte est présentée comme la mise en place d’un “nouveau procédé qui permet la production à grande échelle de cellules souches embryonnaires humaines de haute qualité clinique, sans pour autant mettre en jeu la viabilité de l’embryon” ou encore comme “un grand pas en avant pour la recherche sur les cellules souches, la médecine régénérative et la thérapie cellulaire“. 
 

La méthode des chercheurs consiste à prélever par biopsie une cellule sur un embryon de huit cellules. Cette biopsie de l’embryon, utilisée aussi dans le diagnostic préimplantatoire, permettrait, selon les chercheurs, d’utiliser la cellule prélevée et d’en obtenir de nombreuses cellules souches embryonnaires humaines (CSEh), enviées pour leur état de pluripotence (capacité à se différencier en tout type de tissus de l’organisme). Les chercheurs avancent que le fait de biopsier l’embryon d’une cellule ne le lèserait pas, et permettrait de pouvoir le recongeler et l’implanter.

 

Force est de constater que la découverte de l’équipe du Dr.Tryggvason, perçue comme “limitant les obstacles éthiques” avait déjà donné lieu à une publication par Dr. Lanza et ses collaborateurs en octobre 2005 (1). Le “prélèvement par biopsie d’un blastomère sur un embryon en phase de segmentation” avait donc déjà été réalisé dans le but d’obtenir des lignées de CSEh. Mais les auteurs de cette publication n’avaient pas réussi à obtenir une multiplication satisfaisante de la cellule prélevée (appellée blastomère). L’embryon qui avait fait l’objet d’une biopsie n’avait finalement pas été réimplanté. Le problème éthique de la récolte de cellules souches embryonnaires humaines n”était donc pas résolu. 

 

Or la publication du Dr. Tryggvason, qui reproduit la méthode du Dr. Lanza, en améliorant le milieu de culture du blastomère, ne mentionne aucune réimplantation des embryons biopsés et ne démontrent pas qu’un seul blastomère suffit à produire en nombre suffisant des cellules souches embryonnaires.

 

Il s’agit donc d’un effet d’annonce, pour des recherches qui nécessitent de toute façon la manipulation de l’embryon, et qui ne peuvent par conséquent pas être qualifiées d’éthiques, quand bien même elles arriveraient à ne pas détruire l’embryon et à le réimplanter ensuite (ce qui est loin d’être prouvé).  

 

[1] New method of obtaining embryonic stem cells could reduce embryo wastage, European Society for Human Reproduction and Embryology, released 20 june 2005..Baha A, Takeuchi T, Tanaka N, Neri QV, Rosenwaks Z, Palermo GD, Examination of individual blastomeres as a source of stem cells, Session 04, Stem Cells, Abstract O-018, p.i7, Abstracts of the 21st Annual Meeting of the European Society of Human Reproduction and Embryology, Copenhagen, Demnark, 19-22 June 2005, Human Reproduction, June 2005, vol.20, suppl.1, p.i7. et Y.Chung, I.Klimanskaya, S.Becker, J.Marh, S-J.Lu, J.Johnson, L.Meisner, R.Lanza, Embryonic and extraembryonic stem cell lines derived from single mouse blastomeres, Nature, 12 january 2006, pp.216-219.

 Gènéthique (30/01/2014)

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