Dix jours après la nomination de François Bayrou à Matignon, le nouveau gouvernement a été nommé le 23 décembre. La fin de vie a-t-elle fait partie des négociations ?
Le nouveau Premier ministre avait par le passé interpellé sur la nécessité de développer les soins palliatifs (cf. François Bayrou à Matignon : un changement de cap sur la fin de vie ?). A priori défavorable à la dépénalisation de l’euthanasie et du suicide assisté, il ne s’était pas encore prononcé vis-à-vis d’un éventuel projet de loi relatif à la fin de vie.
Pressenti pour rester à l’Intérieur, Bruno Retailleau a voulu poser ses conditions. En matière de fin de vie, « la ligne rouge consisterait, pour moi, à ce qu’un gouvernement dépose un projet de loi » a-t-il déclaré au JDD [1]. Message reçu par Matignon ? Bruno Retailleau a regagné la place Beauvau.
Un message brouillé au ministère de la Santé
Mais les incertitudes demeurent. En effet, Catherine Vautrin, nommée ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, avait, lors de sa précédente nomination à ce poste, défendu avec énergie le projet de loi du Gouvernement Attal visant à autoriser l’« aide à mourir ». Un « texte d’équilibre » soutenait-elle alors (cf. Fin de vie : Catherine Vautrin, première auditionnée de la commission spéciale).
Pour l’assister, c’est Yannick Neuder qui est le nouveau ministre chargé de la Santé et de l’Accès aux soins. Le député de la Droite républicaine est cardiologue (cf. « Dans ce débat, les médecins n’ont pas une opinion mais une compétence »). Lors des débats du projet de loi relatif à l’« aide à mourir », il s’était fermement engagé contre la dépénalisation de l’euthanasie et du suicide assisté (cf. « Là sont l’urgence et la fraternité : offrir à tous un droit effectif à être soigné et accompagné dignement »). Après avoir dénoncé les lacunes de l’étude d’impact du texte (cf. Fin de vie : des députés dénoncent les lacunes de l’étude d’impact), il s’est notamment opposé à l’abandon du critère de « pronostic vital engagé » (cf. La Commission spéciale adopte l’« aide à mourir », sans la conditionner à un pronostic vital engagé) et a tenté de limiter le projet de loi dans le temps en proposant une « application expérimentale de deux ans » (cf. Sixième jour de débats : défendre l’évidence face aux promoteurs de la mort choisie).
Les positions sont tranchées, et opposées. Reste à savoir qui aura le dernier mot.
Complément du 09/01/2025 : Depuis sa nomination François Bayrou « est resté flou sur ses intentions » quant à la proposition de loi sur la fin de vie, « se contentant d’affirmer que ce n’était pas sa priorité ». Et Yannick Neuder « se tient lui aussi dans une position de retrait ». Seul Bruno Retailleau s’oppose « fermement » au texte, « au point d’avoir promis de mettre sa démission dans la balance si le gouvernement le reprenait à son compte ».
Lors de ses vœux aux autorités religieuses hier, le président de la République a, quant à lui, uniquement déclaré que « 2025 verrait certainement aboutir toutes sortes de projets de loi, dont certains suscitant des débats internes dans la société ». « Sans évoquer un référendum, il a parlé cette fois de la fin de vie en termes d’équilibre et de garde-fous… », précise Antony Boussemart, coprésident de l’Union bouddhiste de France (UBF). Il a par ailleurs indiqué aux responsables des cultes qu’il les « reconvoquerait » sur cette question.
De son côté, le député Olivier Falorni reste déterminé à faire passer ce texte (cf. Fin de vie : la proposition de loi d’Olivier Falorni enregistrée à l’Assemblée nationale). « Début février, l’Assemblée nationale dispose d’une semaine où elle a la maîtrise du calendrier législatif. Si, dans les jours à venir, François Bayrou ne confirme pas celui acté par son prédécesseur et la conférence des présidents des deux chambres, les députés prendront leurs responsabilités pour inscrire le texte au débat sans plus tarder », a-t-il assuré. (Sources : La Croix, Malo Tresca, avec Youna Rivallain, Gonzague de Pontac et Marguerite de Lasa (08/01/2025) ; La Croix, Antoine d’Abbundo (03/01/2025))
[1] Le JDD, EXCLUSIF – Bruno Retailleau pose ses conditions pour rester à Beauvau, Propos recueillis par Charlotte d’Ornellas, Geoffroy Lejeune, Jules Torres et Antonin André (21/12/2024)