Nanomatériaux : l’Afsset préconise le principe de précaution

Publié le 25 Mar, 2010

Le 24 mars 2010, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset) a rendu un avis concernant "les risques liés aux nanomatériaux pour la population générale et dans l’environnement". A défaut de pouvoir évaluer ceux-ci en l’état actuel des connaissances, Martin Guespéreau, directeur général de l’Afsset affirme la nécessaire mise en oeuvre du principe de précaution. Il précise qu’ "avec les nanomatériaux, il est impossible d’en rester aux généralités. Il faut les examiner au cas par cas, produit par produit, usage par usage […]. Selon la formulation et la matrice où il est incorporé, chaque nanomatériau acquiert une réactivité et un comportement différents".

Les experts de l’Afsset se sont penchés sur 4 produits contenant des nanomatériaux pour émettre leur avis : les chaussettes antibactériennes avec nanoparticules d’argent pour éliminer les mauvaises odeurs, le ciment autonettoyant et les crèmes solaires contenant du dioxyde de titane nanométrique, et la nanosilice alimentaire contenue dans le sucre en poudre et le sel pour éviter l’agglomération des grains. Couramment utilisés, ces produits représentent les différentes voies d’exposition directe de l’homme – cutanée, par ingestion ou par inhalation – et les possibilités de dispersion dans l’environnement. Bien qu’on ne diagnostique pas de problèmes cutanés dus aux chaussettes contenant des nanoparticules d’argent,  l’expertise conclut que l’exposition cutanée pour l’homme est non négligeable, notamment si la peau est endommagée. De plus, l’Agence estime que "si 10% de la population française portait ces chaussettes, cela entraînerait le rejet de 18 tonnes de nanoargent dans les eaux superficielles", ce qui créerait une pollution importante, d’autant que le "caractère biocide" de ces particules sont un réel danger pour certaines espèces animales. En ce qui concerne le lait solaire, les fabricants assurent que les nanoparticules ne franchissent pas la barrière cutanée, mais de récentes études ont montré "qu’elles peuvent se retrouver dans la couche profonde de l’épiderme". Quant à leurs rejets dans le milieu naturel, ils "sont estimés, pour la France, à 230 tonnes par an".

Insistant sur la nécessité d’élaborerune méthode d’évaluation des risques adaptée aux spécificités des nanomatériaux, l’Afsset compte publier une grille de cotation des risques d’ici deux ans. Avec 17 autres organismes, elle participe au projet européen "nanogenotx"  qui a pour but d’identifier l’ADN et les gènes de 14 nanomatériaux. Pour l’heure, l’Afsset préconise de "rendre obligatoire la traçabilité des nanomatériaux, de mettre en place un étiquetage pour les consommateurs, [et] d’harmoniser les règles françaises et européennes" en la matière. Pour Martin Guespéreau, "il faut limiter les nanos aux usages essentiels". Il recommande l’interdiction de certains usages de nanomatériaux lorsqu’ils sont de faible utilité en regard de leurs dangers potentiels ou quand des produits équivalents sans nanoparticules existent.

Outre les domaines de la cosmétique, de l’alimentation, des matériaux de construction et des équipements sportifs, les nanoparticules ouvrent des perspectives dans le domaine médical. Elles sont, de par leur taille, susceptibles d’être absorbées par des cellules et pourraient éventuellement modifier le comportement de celles-ci. Au Canada, David Cramb, professeur de chimie et directeur du programme nanosciences de la Faculté de Sciences de l’Université de Calgary, mène des travaux visant à déceler et mesurer l’impact des nanoparticules sur les organismes vivants. Il a développé avec son équipe une méthodologie et des outils très spécialisés permettant de "mesurer différents aspects de l’effet des nanoparticules sur le système de circulation sanguin d’embryons de poulets". Il est parvenu pour la première fois à déterminer le niveau d’agrégation de nanoparticules au sein d’un embryon vivant. Ces études, explique-t-il, "sont importantes puisque une nanotoxicité chronique au sein d’un organisme adulte peut être lié à une exposition durant le processus de développement. De plus une exposition importante peut influer sur la viabilité des embryons". Le Pr. Cramb espère obtenir des éléments de réponses à ces questions fondamentales : "si des embryons sont exposés à des nanoparticules, où celles-ci iront se loger ? Comment les embryons répondront-ils à cette intrusion ? Quelles approches régulatrices doivent être recommandées pour limiter les expositions accidentelles ?"

Le Monde (Pierre Le Hir) 25/03/10 – Le Figaro (Marielle Court) 25/03/10 – Quotimed.com (Renée Carton) 24/03/10 – Bulletins-electroniques.com (Danielle Ziebelin) 24/03/10

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