« Des scientifiques ont créé la première cellule contrôlée par un génome synthétique», a annoncé la revue Science le 21 mai 2010. La fabrication, par l’équipe du biologiste américain Craig Venter, de la molécule Synthia, la première cellule vivante dont le génome a été conçu de toutes pièces par l’homme et sa technologie a défrayé la chronique. Mais l’homme a-t-il réussi à « créer la vie », ainsi qu’on a pu le lire ?
La vie n’a pas été créée
Le Dr Carlo Bellieni, professeur en néonatologie à l’université de Sienne et membre de l’European Society of Pediatric research, explique qu’il s’agit d’un « travail d’ingénierie génétique de haut niveau », mais qu’« en réalité, la vie n’a pas été créée. On en a substitué un des moteurs ». La découverte de Craig Venter a consisté à recopier le génome existant : de la bactérie myoplasme mycoïde. Après en avoir recensé tous les éléments chimiques (au nombre de plus d’un million), son équipe et lui ont construit un nouveau génome sur le modèle de celui de la bactérie. Celui-ci a ensuite été inséré dans une autre bactérie nommée mycoplasme caprilorum, privée de son propre ADN. L’ADN artificiel a commencé à travailler et la bactérie s’est divisée en bactéries semblables à la bactérie artificielle du départ.
Vigilance éthique
Il s’agit donc d’une prouesse technologique dont les chercheurs espèrent qu’elle leur permettra de fabriquer des micro-organismes utilisés dans la fermentation, dans la fabrication d’antibiotiques, de médicaments complexes ou dans la détoxification de la pollution de métaux lourds. Le Dr Carlo Bellieni met pourtant en garde : « un résultat intéressant a été obtenu qui peut trouver des applications et doit avoir des règles, comme toutes les choses qui touchent au cœur de la vie ». Pat Mooney, directeur de l’ETC Group, organisme international privé de surveillance des technologies, va dans le même sens : « la biologie synthétique est un domaine d’activité à haut risque mal compris, motivé par la quête du profit. Nous savons que les formes de vie créées en laboratoire peuvent devenir des armes biologiques et menacer aussi la biodiversité naturelle ». Pour Thierry Magnin, théologien et professeur de physique à l’Ecole des Mines de Saint Etienne et à l’Institut catholique de Toulouse, les technosciences ne se contentent plus de copier la nature ou de la « réparer », mais visent à « augmenter ses potentialités jusqu’à maîtriser le vivant, y compris humain », ce qui nécessite une « vigilance éthique ».