Une équipe de chercheurs dirigés par Alexis Komor, chimiste à l’université de Californie à San Diego, a mis au point quatre nouveaux « systèmes d’édition de base orthogonaux multiplexés »[1] (MOBE) qui permettent aux chercheurs d’effectuer plusieurs types de modifications génétiques en même temps. Les chercheurs ont publié leurs travaux dans la revue Nature Biotechnology [2]. Ils « ouvrent la voie à la construction de modèles permettant d’étudier des maladies génétiques complexes dues à des mutations multiples ».
Des risques d’interférences
Grâce à l’édition de bases, les chercheurs peuvent recréer des mutations pathogènes en laboratoire afin d’étudier comment elles altèrent le fonctionnement des cellules (cf. ABE : un « éditeur de base » qui vient compléter l’outil CRISPR). Toutefois, de multiples mutations peuvent être en jeu, ce qui nécessite d’aller au-delà des « stratégies actuelles » d’édition de bases. « Nous pensons qu’il est très important de caractériser sur un plan fonctionnel des combinaisons spécifiques de mutations », affirme Alexis Komor. « Nous avons besoin d’outils pour pouvoir multiplexer. »
Mais le « multiplexage » n’est pas aussi simple que le fait d’assembler plusieurs ensembles d’éditeurs de base, surtout si les chercheurs veulent effectuer différents types de modifications en même temps comme, par exemple, transformer une cytosine en thymine à un endroit, et une adénine en guanine à un autre. En effet, l’ARN guide destiné à un éditeur de bases peut alors interagir avec les composants de l’autre éditeur de base, conduisant un complexe enzymatique vers un « mauvais » site cible.
« Une idée très simple, en théorie »
Les chercheurs ont utilisé des paires complémentaires de molécules d’ARN et de protéines, appelées aptamères et protéines d’enveloppe, qui se lient sélectivement l’une à l’autre. En incorporant l’aptamère dans l’ARN guide et la protéine d’enveloppe dans le complexe protéique éditeur de base correspondant, ils ont « forcé » les paires correctes d’ARN guide et d’éditeur de base à travailler ensemble, et ont minimisé les paires incorrectes.
« Il s’agissait d’une idée très simple, en théorie », considère le scientifique. Mais la faire fonctionner a représenté « un effort herculéen ». Quinn Cowan, biochimiste dans le laboratoire d’Alexis Komor et premier auteur de l’étude, a testé des centaines de configurations différentes.
En règle générale, lorsque l’on combine des éditeurs de base qui ciblent les adénines et les cytosines, le taux de diaphonie est de 30 %. Avec les systèmes MOBE, ce taux est tombé à 5 %. Jusqu’à un quart des cellules se sont retrouvées avec la bonne paire de modifications.
De premières applications
Pour cette étude, les chercheurs ont utilisé les systèmes MOBE pour éditer les paires de mutation qui causent le syndrome de Kallmann, un trouble hormonal, et l’anencéphalie, un trouble neuronal, dans des lignées cellulaires. Ils ont ensuite pu étudier comment ces mutations affectaient les caractéristiques des cellules, telles que leur profil transcriptionnel ou leur morphologie.
Les scientifiques envisagent de nombreuses applications, par exemple pour le développement de thérapies cellulaires.
[1] multiplexed orthogonal base editor
[2] Cowan QT, et al. Development of multiplexed orthogonal base editor (MOBE) systems. Nat Biotechnol. 2024.
Source : The Scientist, Aparna Nathan (05/07/2024) – Photo : iStock