S’agit-il d’un revirement ? Il y a de quoi en douter. Après avoir indiqué lors du discours de politique générale son intention de « reprendre le dialogue » avec les parlementaires, les soignants et les associations, « en début d’année prochaine », le Premier ministre Michel Barnier se déclarait, 48h plus tard, « favorable à reprendre le travail au moment où il a été interrompu ». Une déclaration effectuée dans le cadre de l’émission l’Evènement diffusée par France 2.
Un flou vite dissipé
Sa première déclaration, quelque peu vague, avait suscité interrogations et réactions. Ainsi, la Présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, s’était dite « déçue », indiquant être « prête à inscrire » le texte dont elle est la deuxième signataire à l’agenda la semaine du 2 décembre, « si nous n’avons aucune perspective d’ordre du jour » (cf. Fin de vie : la proposition de loi d’Olivier Falorni enregistrée à l’Assemblée nationale).
Voilà les militants de l’« aide à mourir » rassurés. « Je me réjouis de l’annonce du Premier ministre », a notamment déclaré la députée Agnès Firmin Le Bodo, par ailleurs ancienne ministre de la Santé qui a élaboré le projet de loi [1].
Dernier « détail » à régler : le calendrier. « Maintenant, j’attends une prochaine intervention où on aura plus de précisions sur le moment où on va reprendre ces travaux », indique l’élue de Seine-Maritime qui précise compter sur Geneviève Darrieussecq « pour nous aider à avancer sur le sujet » (cf. La fin de vie : une priorité du nouveau Gouvernement ?). « Elle était parlementaire, elle était députée, lorsque nous avons commencé les discussions. Elle a participé activement aux débats. Elle connaît bien le texte », rappelle la députée.
Du « dialogue » à une écoute hypothétique
Dans son intervention télévisée jeudi dernier, Michel Barnier s’est déclaré « personnellement » d’accord avec le projet de loi, qu’il souhaite reprendre pour « gagner du temps ». « Il faut faire les choses sérieusement, avec gravité, peut-être en écoutant aussi les soignants qui doivent être respectés », indique-t-il (cf. Fin de vie : « il serait inimaginable de reprendre un texte qui, sur bien des aspects, aurait été le plus laxiste au monde »).
« Peut-être » écouter les soignants ? Les grands oubliés de la « co-construction » du projet de loi en seront donc, une fois de plus, pour leurs frais (cf. Septième jour de débats : entre promotion de l’« euthanasie pour tous » et déni de l’opposition des soignants). Des soignants qui ont manifesté, sans se résigner, leur opposition à une pratique qui dévoie la notion de soin. La veille du discours de politique générale, ils avaient pris le temps d’interpeller le Premier ministre dans une lettre ouverte (cf. « Monsieur le Premier ministre, faisons du soin une priorité collective »). Peut-on faire l’économie d’écouter ceux qui sont au chevet des patients, ceux qui subiront de plein fouet les conséquences de la mise en place de l’« aide à mourir », afin de « gagner du temps » ? Un sujet aux enjeux si graves ne mérite-t-il pas de conduire une véritable réflexion, quel que soit le temps que cela demande ?
Après avoir donné des gages en matière de PMA, d’avortement ou de droits des personnes homosexuelles, en réponse à l’injonction de l’ancien Premier ministre Gabriel Attal, il restait encore l’« aide à mourir ». Michel Barnier a désormais coché toutes les cases. Qu’en retirera-t-il ?
[1] France info, Projet de loi sur la fin de vie : Agnès Firmin-Le Bodo salue la prise de position de Michel Barnier et attend “plus de précisions” sur la reprise du travail parlementaire (04/10/2024)