‘Maternité avortée” et addiction à l’IVG : un livre témoignage

Publié le 22 Avr, 2010

L’Express.fr a interviewé Irène Vilar, une Américaine d’origine portoricaine qui relate dans un livre témoignage – paru récemment en France sous le titre de Maternité avortée* – ses 15 avortements et son rapport difficile à la grossesse et à la maternité. Irène Vilar a tout juste 16 ans lorsqu’elle rencontre l’homme qui va bouleverser sa vie, “un professeur de littérature latino-américaine de quarante-quatre ans son aîné“. Elle va alors, durant 17 ans, vivre auprès de lui une “passion destructrice qui la verra subir pas moins de 15 avortements” et plusieurs tentatives de suicide. Elle parle d’ “addiction à l’IVG“. Aujourd’hui remariée et mère de deux petites filles, elle voit sa maternité comme une sorte de rédemption. Irène Vilar a fait le choix de rendre publique son expérience difficile “non pour s’excuser, ni remettre ce droit en question, mais pour expliquer combien une passion amoureuse peut se révéler destructrice“. Elle savait que son témoignage susciterait de très vives réactions comme cela a été le cas aux Etats-Unis, chez les opposants à l’IVG comme chez ceux qui le défendent, mais elle explique avoir voulu “montrer combien la maternité, la sexualité et la maîtrise de la fécondité plongeaient les femmes dans une inévitable ambivalence“. Ouvrant le débat sur “la complexité de devenir mère aujourd’hui“, le livre d’Irène Vilar est avant tout “le récit poignant d’une femme sur la difficulté d’assumer son héritage, de s’extirper d’une relation toxique avec un homme et de bâtir son indépendance en se réconciliant avec l’idée d’être mère“.

Irène Vilar revient brièvement sur son histoire : issue de la culture latine de Porto Rico “où les femmes sont dominées par les hommes“, elle tombe amoureuse de son professeur sexagénaire. “Au côté de cet homme qui ne voulait pas d’enfant, j’avais l’impression d’être libre, indépendante, moderne. Mais en fait, il ‘colonisait’ mon corps en me disant : ‘Si tu veux rester avec moi, il faut que tu restes inféconde’. Je jouais à la roulette russe avec ma pilule. Chacune de mes grossesses était une forme de défi. A cet homme, mais aussi, et je l’ai compris bien plus tard, à la politique de stérilisation de masse qui a eu lieu dans les années 1960 à Porto Rico et dont ma mère fut victime, ce qui la plongea dans une grande dépression qui la mena au suicide“.

Plus qu’une “addiction à l’IVG“, Irène Vilar décrit un rapport névrotique à la fécondité : “ma névrose […] venait pervertir mon rapport à la fécondité. Quand j’étais enceinte, j’avais la sensation d’être dans la puissance et le pouvoir. Puis je m’apercevais que je ne pouvais pas vivre sans l’homme que j’aimais. J’étais tout à coup terrifiée à l’idée d’être enceinte et je mettais fin à ces grossesses. Cela montre à quel point la fécondité est quelque chose de très complexe. La contraception permet de contrôler l’ovulation, pas le psychisme. Et les femmes ont un rapport ambivalent à leur désir de grossesse“. Elle explique comment elle est parvenue à se sortir de cette relation toxique, et de ses sentiments de honte et d’ “être inadaptée“, sur lesquels elle s’est construite, grâce “à la psychothérapie et [son] travail d’écriture“. Elle revient également sur les difficultés éprouvées lors de sa première grossesse menée à terme : “comme je l’écris dans le livre, j’ai voulu avorter après quelques semaines de grossesse. Après ma huitième IVG, avorter était devenu une ‘habitude’. Ainsi, quand j’ai voulu arrêter prématurément cette grossesse, que j’avais pourtant désirée et craint de ne pas voir venir, c’était la mémoire de mon corps qui parlait. Heureusement, mon mari m’a rassurée et j’ai pu dépasser mes peurs“.

* Irène Vilar, Maternité avortée, Balland, Paris, 2010

L’Express.fr 21/04/10 – Gènéthique

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