Des scientifiques du CNRS et de l’université Grenoble Alpes ont découvert que l’injection d’une protéine modifiée de type « pseudo-prion »[1] permet de protéger contre la maladie d’Alzheimer. Leur étude effectuée chez la souris a été publiée dans la revue Molecular Psychiatry [2].
Une injection pour un effet pendant plusieurs mois
La maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative qui est due à des lésions causées par l’accumulation anormale de deux protéines, amyloïde-β et Tau, dans le cerveau. En modifiant les neurones et leurs synapses, elles conduisent, « à terme », à « l’incapacité de créer de nouveaux souvenirs ».
L’injection d’une protéine amyloïde-β mutée, avec la mutation dite « islandaise »[3], dans l’hippocampe [4] de souris génétiquement modifiées pour « mimer la maladie d’Alzheimer », a permis de réduire l’inflammation, l’accumulation de protéines Tau, l’atteinte des connexions entre neurones et des troubles cognitifs, indique Marc Dhenain, chercheur au CNRS et au CEA.
Une seule administration s’est avérée suffisante pour obtenir une protection, observée pendant 9 mois jusqu’à présent.
Vers une nouvelle thérapie ?
Les chercheurs espèrent que ce résultat puisse être « le point de départ d’une nouvelle catégorie de thérapies préventives » administrées à un stade précoce.
Jacques Tremblay, chercheur à l’université Laval au Québec, avait déjà entamé des travaux pour mettre au point une thérapie génique qui, au moyen de l’outil d’édition génétique Crispr-Cas9, introduirait la mutation bénéfique « in situ », dans le génome des neurones.
Toutefois, l’injection dans l’hippocampe humain n’est « pas envisageable », estime le médecin et chercheur Philippe Amouyel, président de la fondation France Alzheimer. Selon lui, « il faudrait essayer de mimer cet effet avec de petites molécules », qui pourraient être « introduites dans le cerveau par des nanovecteurs ». De son côté, même s’il considère ces derniers résultats comme très intéressants, Frédéric Checler de Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire à Sophia Antipolis, rappelle que des effets cognitifs ont déjà pu être obtenus chez l’animal, sans être ensuite observés chez l’homme.
Complément du 25/06/2024 : Une étude menée par deCODE genetics et publiée dans le New England Journal of Medicine [5] est, selon ses auteurs, la première à mettre en évidence une forte composante récessive dans la maladie d’Alzheimer.
[1] « Les protéines prions anormales sont en général responsables de maladies neurodégénératives graves telles que la maladie de la vache folle ou la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Leur forme normale est naturellement présente notre cerveau. Lorsqu’une protéine prion change de forme, elle devient anormale et les autres protéines alentours adoptent la même forme anormale, ce qui amplifie donc les processus en cours. La protéine amyloïde-β peut aussi avoir ce comportement, et est donc considérée comme un “pseudo-prion” ».
[2] Célestine, M., Jacquier-Sarlin, M., Borel, E. et al. Transmissible long-term neuroprotective and pro-cognitive effects of 1–42 beta-amyloid with A2T icelandic mutation in an Alzheimer’s disease mouse model. Mol Psychiatry (2024). https://doi.org/10.1038/s41380-024-02611-8
[3] En analysant le génome entier de 1 795 Islandais, l’équipe de Thorlakur Jonsson a identifié une mutation présente chez certains habitants qui a un effet protecteur vis-à-vis de la maladie d’Alzheimer, mais aussi du « déclin neurocognitif normal ». Cette mutation, appelée « A673T », est présente chez moins de 1 % des personnes scandinaves. Elle se situe sur un gène codant pour une protéine précurseur de l’amyloïde (APP).
[4] structure cérébrale « très impliquée dans la mémoire »
[5] Hreinn Stefansson et al, Homozygosity for R47H in TREM2 and the Risk of Alzheimer’s Disease, New England Journal of Medicine (2024). DOI: 10.1056/NEJMc2314334
Sources : CNRS (14/06/2024) ; Le Monde, Hervé Morin (14/06/2024) ; Medical Xpress, deCODE genetics (21/06/2024)