L’ouverture de la PMA aux couples de femmes homosexuelles mariées pose de véritables questions éthiques

Publié le 8 Jan, 2013

 Au coeur du débat sur le mariage homosexuel, la question de l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes homosexuelles mariées fait polémique. Au-delà des clivages politiques, il s’avère que la question "heurte de plus en plus profondément une grande majorité des français" et certains expriment des réserves d’ordre éthique. 
Actuellement, la PMA est réservée aux couples hétérosexuels et a pour finalité de "remédier à l’infertilité dont le caractère pathologique a été médicalement diagnostiqué ou à éviter la transmission, à l’enfant ou à un membre du couple, d’une maladie d’une particulière gravité". Pour le docteur Chadi Yazbeck, gynécologue-obstétricien et responsable clinique du centre d’assistance médicale à la procréation de l’hôpital Bichat (Paris), en ouvrant la PMA aux couples de femmes, "on passerait d’une médecine de soins à une pratique satisfaisant des demandes personnelles ou de convenances", considérant dès lors comme souhaitable que "les médecins puissent faire valoir une clause de conscience pour refuser des actes contraires à leur éthique, comme cela existe déjà pour l’interruption volontaire de grossesse (IVG)". En outre, Dominique Deschamp-Mini, avocate, spécialiste en droit de la santé, précise que "des femmes en couples hétérosexuels pourraient aussi prétendre à bénéficier, la quarantaine passée, du don d’ovocyte d’une femme plus jeune, afin d’augmenter les chances de survenue d’une grossesse". 

Par ailleurs, la question de l’accès à la PMA pour les couples de femmes mariées fait émerger d’autres problématiques comme celle de l’anonymat du don de gamètes. L’autoriser pourrait avoir pour conséquence "un nombre toujours plus grand d’enfants [privés] de la connaissance d’une partie de leur origine biologique". 
Dominique Foyer, professeur de théologie morale à l’Université catholique de Lille, admet que "la souffrance de ne pas avoir d’enfant est réelle" et qu’ "il ne faut pas la minimiser". Cependant, ajoute-t-elle, "elle ne donne pas de droits particuliers, et surtout pas le droit de disposer de l’existence d’un enfant dès avant sa naissance". Ainsi, le journaliste précise que c’est à ce niveau que "réside sans aucun doute l’objection éthique la plus forte" à savoir: "priver d’emblée un enfant d’une partie de sa filiation. Car les premiers concernés par ces enjeux seront les enfants, conçus au sein d’un couple de femmes avec le sperme d’un donneur anonyme".
Geneviève Delaisi de Parseval, psychanalyste et accompagnatrice de couples hétérosexuels et homosexuels, favorable à une levée de "l’anonymat des tiers procréateurs", précise: "que les parents soient hétéros ou homos, ne change gère la donne", sauf, précise-t-elle cependant, "à l’ exception peut-être d’un passage délicat à l’adolescence pour les enfants de parents homosexuels". Par ailleurs, elle ajoute que "de la complexe gestion psychologique par la famille de la bombe à retardement que peut constituer un secret de famille et/ou la filiation, [dépend] la vie psychique de l’enfant". 
Pour l’association française Procréation médicalement anonyme, qui regroupe des enfants de couples hétérosexuels issus d’un don de gamète, il faut ici faire prévaloir le principe de précaution. Audrey Gauvin, présidente de l’association précise: "envisager l’accès à l’assistance médicale à la procréation pour de nouveaux couples, de nouvelles formes de parentalité, nous paraît insencé à ce stade: tirons au préalable les leçons du passé".

Enfin, ouvrir la PMA aux couples de femmes "risque d’ouvrir la porte à la légalisation de la grossesse pour autrui (GPA)", aujourd’hui interdite en France. En effet, l’article 16-7 du Code civil précise: "Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle". Or, "à partir du moment où l’on ouvre la PMA aux couples de femmes, les couples d’hommes mariés vont réclammer la légalisation de la GPA, faisant valoir l’argument d’égalité" explique l’avocate Dominique Deschamps-Mini. En tant que médecin, le docteur Chadi Yazbeck s’alarme également: "le principe des mères porteuses est unhumain […]. Les études mettent en lumière les interactions précoces entre la mère et le foetus: le lien mère-enfant ne doit pas être rompu à la naissance". De plus, précise-t-il "c’est la porte ouverte à la marchandisation du corps des femmes, qui plus est souvent en grande detresse". 

La semaine dernière, le Premier ministre a annoncé que l’amendement sur l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes mariées "pourrait finalement être ‘renvoyée’ dans un projet de loi sur la famille" qui pourrait être présenté en mars prochain en Conseil des ministres. 


 Pèlerin (Timothée Duboc) 10/01/13 – Libération (Geneviève Delaisi de Parceval) 09/01/13 – Le Figaro (Agnès Leclair) 09/01/13 – Libération 08/01/13

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