Les sénateurs et sénatrices sont « face à l’enjeu anthropologique de permettre à la technologie de modifier notre espèce de façon irréversible », met en garde un collectif de 5 personnalités[1] parmi lesquelles Jacques Testart et José Bové. Ils déplorent que le projet de loi de bioéthique cherche à approfondir « en catimini le droit à la modification génétique d’embryons humains à des fins proclamées de recherche » et ils alertent : « La naissance d’enfants issus de tels embryons, aujourd’hui prohibée, pourrait être la prochaine étape des glissements progressifs validés au fil des ans par le Parlement ».
Pour les signataires, l’article 17 devrait ouvrir, avec l’aval du gouvernement, « la possibilité de manipuler l’embryon humain » en levant « l’interdiction absolue de la transgénèse et des chimères ».
Les ciseaux génétiques CRISPR-Cas9 très accessibles et pour un coût « dérisoire par rapport aux anciennes techniques » pourraient être utilisés massivement « dans les laboratoires, même si tous leurs effets biologiques sont loin d’être maîtrisés ».
Alors que CRISPR-Cas9 dispose déjà d’une licence d’utilisation pour créer des semences génétiquement modifiées, la levée de l’interdit chimérique et transgénique permettrait à la technique de passer « officiellement de la semence agricole à l’humain », ouvrant « la voie à l’industrialisation de la modification génétique des embryons humains à une vitesse encore jamais atteinte ».
Les signataires déplorent ensuite que « le désastre ne s’arrête pas là ». L’article 15 du projet de loi devrait permettre « la fabrication de gamètes artificiels à partir de cellules banales de chaque patient », expliquent-ils. « Potentiellement innombrables, ces gamètes, au génome éventuellement modifié, pourraient créer de très nombreux embryons parmi lesquels on choisirait le plus convenable, sans imposer aux patientes les épreuves liées à la fécondation in vitro ». Et ils dénoncent un projet « clairement eugéniste » : « Qui refuserait alors, dans le futur, la promesse des bébés ‘zéro défaut’ » ?
Regrettant que « la compétitivité technologique » soit désormais l’instrument de régulation bioéthique, ils engagent les parlementaires à « refuser toute modification génétique des embryons humains ou leur sélection génétique massive ». Seront-ils entendus ?
[1] Dominique Bourg, philosophe, professeur honoraire à l’université de Lausanne (Suisse) ; José Bové, éleveur, ancien syndicaliste de la Confédération paysanne ; Elena Pasca, philosophe, administratrice de la fondation Sciences citoyennes ; Michèle Rivasi, députée européenne (EELV) ; Jacques Testart, biologiste et essayiste, directeur de recherche honoraire à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
Le Monde (15/01/2020) – Loi de bioéthique : « Nous ne voulons pas d’une humanité génétiquement modifiée ! »