Loi de bioéthique : Premier tour de piste à l’Assemblée nationale

Publié le 25 Sep, 2019

Pour Agnès Buzyn, ministre de la Santé, la loi de bioéthique est « une chance et même un privilège pour notre société ». Elle intervenait en ouverture de la première lecture du projet de loi de bioéthique à l’Assemblée nationale. Elle a notamment expliqué qu’il s’agissait d’ « adapter notre droit non pas à une société post-moderne tantôt espérée, tantôt redoutée, souvent même fantasmée, mais à la société telle qu’elle est ici et maintenant ». Elle a invité les élus à être la « conscience qui doit délimiter, ordonner et définir les nouveaux progrès sans rien céder sur les grands principes: la dignité de la personne humaine, l’autonomie de chacun et la solidarité de tous ». Sur la « PMA pour toutes », elle considère que « le critère qui définit une famille c’est l’amour qui unit le parent et son enfant ». Interrogée par la Chaine parlementaire en marge des débats, répondant à la question : « qui peut remplir la fonction de père ? », Agnès Buzyn avait expliqué: « Ça peut être une femme, une altérité ailleurs dans la famille, des oncles, une grand-mère (…) Tout ce qui compte c’est la sérénité et l’amour autour de l’enfant, toutes les familles peuvent le garantir ».

 

La garde des Sceaux Nicole Belloubet a rappelé « 5 principes » déjà évoqués en commission des affaires sociales : l’égalité absolue des enfants, la sécurité juridique, la simplicité des procédures, la prise en compte de la réalité et la volonté de ne rien « retirer ni modifier quoi que ce soit aux autres couples. Les enfants auront les mêmes droits, exactement les mêmes droits, leurs parents auront les mêmes droits et les mêmes devoirs », a-t-elle annoncé.

 

De son côté, la ministre de la Recherche Frédérique Vidal a reconnu que « certains ont le sentiment que les révisions successives des lois de bioéthique consacrent une permissivité croissante, que nous sommes les jouets d’un emballement technologique incontrôlable et que les interdits d’aujourd’hui sont mécaniquement appelés à devenir les nouveaux droits de demain », tout en considérant qu’« il n’y a rien d’inéluctable ». Elle a expliqué que la bioéthique était « un espace en tension parce que l’on tranche les conflits (…) La science propose, mais c’est la société qui dispose ».

 

Les six députés rapporteurs du texte : Jean-Louis Touraine (LREM), qui s’est engagé dans un « plaidoyer » contre le gouvernement pour soutenir notamment la PMA post-mortem, Coralie Dubost (LREM), Hervé Saulignac (PS), Philippe Berta (MoDem), Jean-François Eliaou (LREM), Laetitia Romeiro Dias (LREM), sont intervenus à tour de rôle.

 

Après l’échec de la motion de rejet, déposée par la députée RN, Emmanuelle Ménart, la discussion générale s’est engagée avec l’intervention d’un certain nombre de députés.

 

Thibault Bazin, député LR,  qui estime que le texte ouvre une « voie inéluctable » vers la légalisation de la gestation pour autrui (GPA). Il a posé un certain nombre de questions : « Quelle place auront les pères ? Les hommes ? Les incidences du rôle de la volonté ont-elles été mesurées juridiquement ? N’est-ce pas la voie inéluctable à la GPA ? Pourquoi ne pas donner la primauté à l’éthique de la vulnérabilité ? »

 

Pascal Brindeau, député UDI, « assez irréconciliables ». Au nom de son groupe, il a d’ailleurs pointé du doigt un « basculement philosophique et anthropologique », demandant si les lois de bioéthique devaient « consister seulement à valider les progrès ? La loi peut-elle et doit-elle faire frontière technologique ? ». Sur l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, il a dénoncé une « construction théorique de la filiation » qui ouvrira « la légalisation de la gestation pour autrui ». « De la même manière, comment s’opposer à des projets multiparentaux  ? », poursuit-il. Il critiquera de même l’accès aux origines.

 

Agnès Thill a été la plus véhémente. S’adressant à la ministre de la santé, elle a interrogé : « La France va inscrire dans la loi le père facultatif. Qui êtes-vous pour vous permettre une telle mutilation ? », avant de poursuivre : « Un donneur, vous appelez ça. Mais c’est un homme! (…) L’homme est un tout, on ne prend pas que ses gamètes. (…) Votre loi est criminelle, c’est s’offrir un être humain », alors que l’homme n’est « ni un objet, ni une promesse de campagne », a-t-elle ajouté. « Donner une mère seule pour famille n’est pas un progrès social » et ce projet est « antinomique avec le plan pauvreté », a-t-elle poursuivi avant de regretter que « les Français accèdent au hard discount reproductif ».

 

Les 32 articles du projet de loi de bioéthique prévoient notamment « une réforme de la filiation et de l’accès aux origines des enfants nés par don, et traite de l’autoconservation des ovocytes ou de la recherche sur les cellules souches embryonnaires ». 2.600 amendements ont été déposés dont 600 rien que pour l’article 1 concernant l’ouverture de la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes. Mais 310 autres ont été annoncés pour l’article 14 sur la recherche sur l’embryon, 250 sur l’article 3 concernant l’anonymat des donneurs de gamètes, 201 sur celui de la filiation et 170 sur l’autoconservation des ovocytes. Les débats auront lieu jusqu’au 9 octobre pour un vote solennel le 15 octobre. Le gouvernement espère voir adopter la loi « avant l’été ».

 

Afp (24 et 25/09/2019) – La Croix, Loup Besmond de Senneville et Béatrice Bouniol – Bioéthique, revivez l’ouverture du débat à l’Assemblée

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