L’industrie des bébés sur commande justifiée par la sophistique de l’innocence

Publié le 8 Fév, 2016

« Le marché de l’avenir, c’est le marché de l’humain ». Qui dit marché dit commerce et entreprise, projet industriel. Mais, pour une industrie de la maternité de substitution, il demeure un blocage, puisque l’humain ne peut faire facilement l’objet de consommation sans réticence. Il s’agit donc de faire taire les scrupules : la mère porteuse étant pauvre, elle se taira, consentant à s’effacer par contrat, l’enfant ne pouvant protester, sa voix ne sera pas gênante. Reste la conscience des adultes acquéreurs, ou celle de ceux qui se soucient de femmes ainsi utilisées ou des bébés ainsi cédés ? Après avoir agité l’accusation d’homophobie qui perd de sa vigueur puisque les couples hétérosexuels ont aussi recours à la GPA, « les entreprises font relayer par medias le thème sophistique de l’innocence des acheteurs », à l’aide de cas concrets. Ainsi, ce couple australien ayant perdu un enfant et ne pouvant plus en avoir, qui met en route 2 grossesses simultanées : une par GPA, sur commande en Thaïlande, et l’autre par GPA altruiste via une amie. Le matériel génétique est le même, ce sont donc des jumeaux, nés à 2 endroits différents, de 2 mères porteuses différentes.  L’article est illustré d’une photo qui atteste de l’heureux résultat de cette « première » puisqu’elle met en scène les parents et leurs 2 enfants, concluant même que le timing était parfait : en effet, la Thaïlande, où est né l’enfant acheté, a depuis interdit la GPA commerciale. On ne peut être que touché.

 

« Comment peut-on faire passer l’idée que ces deux enfants sont ‘jumeaux’, alors qu’ils n’ont pas la même mère ? » Aucun des intervenants, entreprises, conseils, rédacteur de l’article, ne fait référence à la mère : elle n’existe pas, nulle part.  Et c’est le thème de l’innocence qui permet la rupture anthropologique. Innocence de l’enfant, né et donc innocent des manœuvres adultes, à qui on ne saurait refuser une filiation, même s’il a été cédé dans ce nouveau commerce triangulaire (Etats-Unis, Europe et reste du monde). Innocence des acheteurs, les conjoints qui ont souffert déjà depuis si longtemps. Au lieu de diaboliser les adversaires de la GPA, on innocente ceux qui y ont recours : le discours déculpabilise les acheteurs, qui n’ont pas mérité leur souffrance. Et surtout, on ne parle pas de la mère. Jamais. Ainsi, la sophistique agit et légitime la GPA devenue éthique, « dernier recours ». Quant aux enfants, « il vous faudra être toujours beaux et mignons. La publicité qui entoure de bleu clair et de rose votre cession l’a promis ».  

Maternités de substitution- GPA – Marie-Anne Frison-Roche (07/02/2016)

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