Limitation ou arrêt des traitements en fin de vie : la détresse morale des médecins

Publié le 26 Avr, 2021

Des chercheurs se sont penchés sur la détresse morale des médecins face aux décisions de « limitation ou d’arrêt des thérapeutiques actives en fin de vie »[1]. Ils ont tenté d’identifier ses déclencheurs et ses conséquences sur les patients. La « détresse morale » est éprouvée par une personne « lorsqu’elle est empêchée par des limitations personnelles ou des restrictions organisationnelles de faire ce que sa conscience estime être la “bonne chose” ». Elle provoque des « sentiments durables d’impuissance, de culpabilité et d’atteinte à l’intégrité », voire des états de « démoralisation, indifférence, épuisement professionnel, démission ».

L’étude a été réalisée dans une unité de soins intensifs en Irlande du Nord. Dix-huit médecins ont été interrogés. Dans un tel service, environ 13 à 20% des patients décèdent des suites d’une « limitation ou de l’arrêt de thérapeutiques actives ». Les directives anticipées du patient étant rarement connues, la prise de décision incombe alors à d’autres personnes, qui diffèrent selon les pays : aux Etats-Unis, les proches du patient ; au Royaume-Uni, un médecin conseil [2] ; en France, la personne de confiance.

Ces décisions sont prises « dans des conditions émotionnellement intenses et sont compliquées par l’administration de thérapies de maintien en vie et les difficultés à prédire le décès ». Le ressenti de chaque personne impliquée dans la décision varie (médecin de soins intensifs, proches, autres cliniciens), créant des déconvenues de part et d’autre sur le moment où le traitement est interrompu. Dans un tel contexte, qu’est ce qui empêche les médecins de « faire ce qu’il faut », se sont interrogés les chercheurs. Le « niveau d’autonomie » du médecin, répondent-ils. Ce dernier est fonction de l’ancienneté du médecin : les seniors sont ainsi moins impactés par la détresse morale ; ils ont plus de facilité à reporter ou annuler des décisions. Par ailleurs si la désignation d’un « consultant hebdomadaire » offre « une cohérence dans les soins, les relations et la prise de décision », il provoque aussi une « implication prolongée » du médecin pour chaque patient, plus difficile à gérer. A l’inverse la recherche de consensus, le travail en équipe est une aide pour les médecins.

Cette étude a également mis en lumière l’incompréhension du rôle des soins de support, qui devraient pourtant être mis en place avant toute décision d’arrêt des traitements.

[1] protocole « LATA » en France

[2] l’avis des proches sur les souhaits du patient est pris en considération, mais les proches n’agissent pas en tant que représentants légaux

Source : JIM, Dr Bernard-Alex Gaüzère (24/04/2021)

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