Levée de l’anonymat du don de gamètes : polémique

Publié le 9 Fév, 2011

Rejetée par la Commission spéciale sur la bioéthique, la question de la levée de l’anonymat du don de gamètes sera débattue à l’Assemblée dans les jours qui viennent.

Le ministre de la santé Xavier Bertrand s’est déclaré contre la levée. "L’anonymat préserve les dons", a-t-il déclaré. Le député Jean Leonetti, de son côté, estime que lever l’anonymat reviendrait à "faire primer le biologique sur l’affectif et l’éducatif", ce qu’il définit comme "une dérive vers le tout génétique" qu’il juge "dangereuse". Pour les députés de la Commission qui ont voté un amendement contre, la levée de l’anonymat pourrait conduire à une déstabilisation de la famille dans le cas où le géniteur viendrait à s’y introduire. Cela pourrait conduire les parents à taire à leurs enfants leurs origines biologiques, ce qui n’est pas souhaitable.

Ces arguments sont pourtant controversés. Alors que Jean Leonetti avance l’exemple de la Suède, où la levée de l’anonymat en 1985 aurait incité les parents à cacher la vérité à leurs enfants, une étude parue dans le Human Reproduction et réalisée sur 500 couples, offre des résultats contraires. Pour la majorité d’entre eux, l’échange avec le géniteur n’est pas perçu comme une menace pour leur famille et 90% des participants pensent qu’ils doivent être honnêtes envers leur enfant. Pour la moitié d’entre eux, le droit à connaître l’identité du donneur est dans l’intérêt de l’enfant.

Cette étude est reprise par ceux qui réclament la levée de l’anonymat, dont l’association Procréation médicalement anonyme (PMA), dont le porte-parole, Arthur Kermalvezen, conçu grâce à un don de sperme, a entamé mercredi 2 février 2011 une grève de la faim dans l’espoir d’être entendu des parlementaires. Selon un communiqué de PMA, c’est l’anonymat qui fragilise la famille et conduit certains parents à ne rien dévoiler à leur enfant afin qu’il ne soit pas frustré de ne pas pouvoir connaitre son géniteur s’il venait à le demander.

PMA rappelle qu’ils ne veulent pas changer leur filiation mais "mettre un visage humain sur la personne humaine qui leur a permis de voir le jour, afin qu’ils puissent s’inscrire dans l’humanité et non se sentir un produit de la science, marginalisé et sur lequel certains chercheurs se sont plu en outre à réaliser des expérimentations occultes." L’association remarque que le biologique est si important que les CECOS (Centres d’études et de conservation des œufs et du sperme) prennent soin de choisir les donneurs qui présentent des ressemblances physiques avec les parents et ont le même groupe sanguin.

PMA demande que les enfants issus d’un don de gamètes aient les mêmes droits que les enfants nés sous X : ceux-ci peuvent retrouver leur mère biologique si elle accepte de dévoiler son identité. De plus, la mère est informée des effets psychologiques dévastateurs que peut avoir l’abandon sur les enfants.

Pour Geneviève Delaisi de Parseval et Valérie Depadt-Sebag, l’anonymat est un "effacement délibéré de l’origine d’un sujet humain, créant de fait un état civil mensonger" car ces enfants sont "déclarés à l’état civil, selon les mêmes modalités que si ils étaient issus du processus naturel." La dignité de l’enfant n’est pas respectée, pas plus que celle du donneur qui est "ramené à l’état de donneur d’un matériau génétique."

Alain, ayant donné son sperme il y a trente ans témoigne dans Libération : "Je voyais ça comme un geste généreux et très simple. Comme un don d’organe ou de sang. Mais je sais aujourd’hui que cela à une autre portée. J’ai aidé à la conception d’un être humain." "Aujourd’hui, si la loi le permet, et si je pouvais soulager d’une souffrance ceux qui sont nés grâce à mon don, je le ferais", déclare-t-il.

En France, depuis 1972, 50 000 enfants sont nés après insémination artificielle avec donneur (IAD).

Libération (Charlotte Rotman) 09/02/11 – Le Figaro.fr (Agnès Leclair) 08/02/11 – Le Monde 08/02/11 – Ouest-France 08/02/11 – Le Télégramme.com (Gwenaëlle Loaëc) 08/02/11 – Le Monde 09/02/11 – Gènéthique 09/02/11

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