Une étude effectuée à l’échelle humaine et pilotée par Yehezkel Ben-Ari, de l’Institut de neurobiologie de la Méditerranée, met en lumière une “piste thérapeutique inédite“, précise Thomas Bourgeron, spécialiste de l’autisme à l’Institut Pasteur. Pendant trois mois, 27 enfants autistes sur une cohorte de 54 âgés de 3 à 11 ans, “ont reçu chaque jour 1 milligramme de bumétanide, un diurétique utilisé depuis des dizaines d’années contre l’hypertension“. Les 27 autres ont, pendant la même période, reçu quotidiennement un placebo. Eric Lemonnier, spécialiste de l’autisme au CHU de Brest et premier auteur de l’étude, donne les résultats: “au bout de ces trois mois, la sévérité des troubles autistiques a diminué chez 77,7% des enfants ayant reçu le bumétanide, tandis que 33,3% des enfants ayant reçu le placebo ont connu une amélioration“.
“L’idée d’utiliser un diurétique […] découle de l’observation d’une réaction paradoxale de nombreux enfants autistes lorsqu’on leur administre du valium“, un anxiolytique. Eric Lemonnier explique en effet que “cet anxiolytique les excite au lieu de les calmer, ce qui aggrave leurs symptômes“. Or, poursuit le journaliste, “le valium renforce l’action d’un neurotransmetteur, le GABA, messager cérébral connu pour inhiber l’activité des neurones“. Par conséquent, “il semble […] que chez ces enfants le GABA excite les neurones au lieu de les inhiber“. Pour d’autres maladies, l’équipe de Yehezkel Ben-Ari avait déjà constaté ce même paradoxe, dans le cadre de l’épilepsie. Yehezkel Ben-Ari explique: “Il est dû à une trop forte concentration de chlore dans les neurones. In vitro, nous avions montré qu’il peut être supprimé par un diurétique“. Sur cet élément, le journaliste explique que “les diurétiques agissent en effet en bloquant une molécule utilisée entre autres par les neurones pour absorber du chlore. Retrouvant un niveau de chlore moins élevé, les neurones sont de nouveau inhibés par le GABA“.
La Recherche (Jean-Philippe Braly) Mars 2013