Des souris nées de « deux pères » ont donné naissance à leur propre progéniture (cf. Empreinte génomique : des souris nées de « deux pères » atteignent l’âge adulte). Ces résultats ont été publiés dans les Proceedings of the National Academy of Sciences [1]. « Toutefois, il reste encore un long chemin à parcourir avant que cette expérience puisse être tentée chez l’homme. »
Pour parvenir à ses fins, l’équipe de Yanchang Wei, de l’université Jiao Tong de Shanghai, en Chine, a eu recours à l’édition de l’épigénome pour reprogrammer sept sites dans l’ADN du spermatozoïde, une manipulation nécessaire pour permettre à l’embryon de se développer (cf. Empreinte génomique : un processus différent chez le père et la mère).
Sur les 259 embryons transférés chez des souris femelles, seuls deux – tous deux mâles – ont survécu et atteint l’âge adulte. Tous deux ont ensuite donné naissance une progéniture – qui semblait « normale » en termes de taille, de poids et d’apparence – après s’être accouplés avec des femelles.
D’abord des souris avec « deux mères »
Il s’est avéré beaucoup plus difficile de créer des souris avec « deux pères » que des souris avec « deux mères ». La naissance de la première souris fertile avec deux mères, Kaguya, a été signalée en 2004 (cf. Naissance d’une souris “gynogénique”). Cette souris a dû être génétiquement modifiée, quand Yanchang Wei, en 2022, avait déjà « uniquement » utilisé l’édition de l’épigénome, qui ne modifie pas la séquence de l’ADN, pour fabriquer des souris sans père (cf. CRISPR : des chercheurs font naître des souris d’ovocytes non fécondés).
Au début de cette année, une autre équipe chinoise a réussi à faire grandir quelques souris à deux pères jusqu’à l’âge adulte après avoir effectué 20 modifications génétiques, mais ces souris n’étaient « pas tout à fait saines ou fertiles ».
Une technique qui pourrait être appliquée à l’homme
Pour Helen O’Neill, de l’University College London, cette étude constitue une « avancée majeure » : « Elle confirme que l’empreinte génomique est le principal obstacle à la reproduction monoparentale chez les mammifères et montre qu’il est possible de le surmonter ».
Parce qu’elle n’implique pas de modification génétique, l’approche de l’édition de l’épigénome pourrait, « en principe », être utilisée « pour permettre aux couples de même sexe d’avoir leurs propres enfants génétiques ». « Toutefois, le taux de réussite devrait être beaucoup plus élevé avant que l’on puisse envisager d’utiliser cette technique chez l’homme », estiment les scientifiques [2].
Plusieurs raisons expliquent ce faible taux de réussite. Tout d’abord, la combinaison de deux spermatozoïdes signifie qu’un quart des embryons avaient deux chromosomes Y et n’auraient pas pu se développer. En outre, l’édition de l’épigénome n’a fonctionné sur les sept sites que dans une faible proportion des embryons, et il est possible qu’elle ait eu des effets hors cible dans certains cas (cf. Editer le génome : des conséquences imprévisibles ?).
Des bébés avec trois parents génétiques
Si des bébés humains ayant « deux pères » étaient un jour fabriqués de cette manière, il s’agirait « techniquement » de bébés à trois parents, car les mitochondries de leurs cellules, qui contiennent de l’ADN, proviendraient de la donneuse des ovules énucléés dans cette procédure.
En 2023, une équipe japonaise a annoncé la naissance de souriceaux issus deux pères par la mise en œuvre d’une troisième technique qui consiste à transformer des cellules souches de souris en ovules (cf. Des souriceaux nés de deux « pères »). Cependant, il existe des incertitudes sur la survie des petits jusqu’à l’âge adulte, et personne n’a encore réussi à transformer des cellules souches humaines en ovules.
[1] Yanchang Wei et al, Fertile androgenetic mice generated by targeted epigenetic editing of imprinting control regions, Proceedings of the National Academy of Sciences (2025). DOI: 10.1073/pnas.2425307122
[2] Sans s’interroger sur les conséquences pour un enfant d’être issu d’une double lignée paternelle
Sources : Phys.org, Justin Jackson (25/06/2025) ; New Scientist, Michael Le Page (23/06/2025) – Photo : iStock