Les parthénotes humains, source controversée de cellules souches

Publié le 11 Jan, 2016

International Stem Cell Corp vient d’annoncer le lancement d’un essai clinique en Australie pour tester l’efficacité d’un traitement à base de cellules souches parthénogénétiques humaines pour la maladie de Parkinson[1]. Cette maladie touche environ sept millions de personnes dans le monde et aucun traitement curatif n’existe à ce jour. Ces essais obligent à une grande prudence. Décryptage Gènéthique.

 

Avant de se lancer dans un essai clinique, la compagnie a mené l’année dernière des études précliniques utilisant ces cellules souches parthénogénétiques humaines, dérivées en cellules souches neurales (ISC-hpNSC). Ces cellules sont administrées par injection intracrânienne, dans le but de remplacer les neurones détruits chez les patients atteints de la maladie de Parkinson. Douze patients testeront cette nouvelle thérapeutique, et recevront des injections de différentes doses de cellules, pour en évaluer l’efficacité et la sécurité.

 

Les parthénotes, une alternative faussement éthique

Les cellules souches parthénogénétiques humaines sont issues de la parthénogenèse[2]. Ce processus, qui permet d’obtenir une reproduction à partir d’un œuf humain simplement stimulé sans l’intervention d’un gamète mâle, existe naturellement chez les végétaux, les reptiles et les insectes, mais pas chez les mammifères. On peut, dans certaines conditions[3] de stimulation des ovocytes humains, obtenir un début de développement parthénogénétique. Les scientifiques sont donc aujourd’hui capables de créer sans fécondation, de façon artificielle, des embryons humains. Ces embryons ne sont, pour l’heure, pas viables sur le long terme, mais ils le sont suffisamment pour que des cellules souches embryonnaires puissent être prélevées.

Les chercheurs exploitent cette nouvelle source de cellules souches, car elle représente une alternative moins coûteuse et moins réglementée que le recours à des embryons humains laissés de côté par l’industrie procréative. De plus, le recours à la parthénogenèse représente une source bien plus stable, fiable et abondante de cellules souches embryonnaires que ne l’est le recours à quelques embryons humains cédés sous conditions. Cependant deux interrogations demeurent :

  • En premier lieu, si les embryons produits par parthénogenèse chez les mammifères ne se développent pas au-delà du stade blastocyste[4], probablement en raison du manque de l’empreinte génétique du père absent, il est raisonnable de supposer que les cellules souches dérivées de ces embryons sont affectées de graves anomalies épigénétiques, et qu’il serait inconsidéré d’administrer ces cellules ou leur dérivé à des patients.
  • La seconde question est éthique : les ovocytes humains activés qui entrent dans la voie de la parthénogenèse se comportent exactement comme des embryons humains normaux jusqu’à ce que leur déséquilibre épigénétique freine leur développement et les empêche de s’implanter dans l’utérus maternel. Les appeler « parthénotes » ne change rien à ce qu’ils sont, fondamentalement, ontologiquement, c’est-à-dire des embryons humains, au même titre que le sont les embryons humains préparés par fécondation in vitro et qui ne réussissent pas à s’implanter.

 

La position de la Cour de Justice européenne

Suite à une demande de la société de biotechnologie International Stem Cell Corporation (ISC) qui souhaitait breveter sa technologie en utilisant des ovules humains activés par voie de parthénogenèse, la Cour de Justice Européenne s’est prononcée. Dans son arrêt du 18 décembre 2014, la CJUE juge qu’« un organisme incapable de se développer en un être humain ne constitue pas un embryon humain au sens de la directive sur la protection juridique des inventions biotechnologiques. Dès lors, les utilisations d’un tel organisme à des fins industrielles ou commerciales peuvent, en principe, faire l’objet d’un brevet ». La CJUE distingue ainsi les cas où l’ovule activé par parthénogenèse a la capacité intrinsèque à se développer en être humain (apparenté à un embryon humain et non brevetable), et les cas où l’ovule activé n’a pas cette capacité (non apparenté à l’embryon humain et donc potentiellement brevetable). 

Pourtant, dans son arrêt Brüstle c/ Greenpeace du 18 octobre 2011, la CJUE avait jugé que la notion d’« embryon humain » comprenait les ovules humains non fécondés induits à se diviser et à se développer par voie de parthénogenèse. 

En outre, même si on contestait leur titre d’embryon aux êtres humains issus de la parthénogenèse, à cause de leur avenir limité, la prudence oblige à les traiter comme s’ils étaient des embryons à part entière. Le principe de précaution largement revendiqué et utilisé dans des domaines moins fondamentaux doit, au minimum, s’appliquer dès lors que l’humain et sa définition sont en jeu.

 

 

[1] Stem cells portal, 21.12.2015.

[2] Du grec « naissance virginale », processus naturel par lequel un nouvel embryon peut se développer à partir d’un ovocyte non fécondé.

[3] Moyens chimiques ou électriques.

[4] Stade de développement de l’embryon, entre 5 et 7 jours après la fécondation. Ce stade est celui de la nidation dans l’utérus maternel.

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