Le quotidien Libération rapporte que les études sur le Genre (gender studies), nées depuis bientôt 40 ans aux Etats-Unis, font leur entrée en France avec l’ouverture d’une Chaire leur étant spécialement dédiée à Sciences-Po Paris. Affichant la lutte contre les discriminations sexuelles, les Gender studies promeuvent le concept de "sexe social" par opposition au sexe biologique. Les premiers cours de ce projet intitulé Presage (Programme de recherche et d’enseignement des savoirs sur le Genre) commencent aujourd’hui et "seront obligatoires dès 2011". Aucun élève ne pourra ainsi sortir de l’Institut d’études politiques de Paris sans avoir entendu un enseignement sur le Genre.
Il s’agit du premier programme de ce type en France s’est félicité Jean-Paul Fitoussi, économiste président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui estime que "cet enseignement va éveiller les consciences". Ce projet est au fond "éminemment politique". L’enseignement s’adressant à des élèves appelés à devenir de "futurs cadres, de prochains députés, des dirigeants de demain", cette entreprise "est un pari sur l’avenir" dit Richard Decoings, patron de Sciences-Po.
L’enseignement se veut "transversal et pluridisciplinaire", englobant le droit, les sciences politiques, la philosophie, l’histoire, la psychologie. Françoise Milewski, économiste à l’OFCE, précise que "ce n’est pas un programme sur les femmes ou féministe" mais que l’enseignement "s’intéresse aussi aux hommes, aux rapports de sexe". Hélène Périvier, également économiste à l’OFCE, ajoute qu’en Grande Bretagne ou aux Etats-Unis, il y a beaucoup de recherches sur le Genre qui sont "plus centrées sur la réflexion identitaire" et l’observation de la façon dont les inégalités se produisent. Les gender studies, dit-elle, "c’est encore marginal et vu comme militant". Cette notion anglo-saxonne a suscité la méfiance en France car suspectée de "faire passer les femmes à la trappe" : "le Genre fait loupe mais peut aussi être un cache-sexe" affirme Geneviève Fraisse, directrice de recherches au CNRS. Selon Richard Decoings, les études sur le Genre ont pris du temps à émerger en France "parce qu’elles mettent à mal l’égalitarisme républicain et formel si hexagonal" selon lequel "il n’y a que l’Etat et les citoyens, et que tous sont égaux devant la loi".
Le conseil scientifique de ce projet comptera la participation des historiennes Joan Scott et Michèle Perrot, des philosophes Geneviève Fraisse et Elisabeth Badinter et de l’anthropologue Françoise Héritier.
Libération publie également une interview de Minoo Moallem, une sociologue d’origine iranienne, directrice du département des "Gender and Women’s Studies" à l’Université de Berckeley. Elle explique que "652 universités proposent aujourd’hui des programmes consacrés aux questions des femmes, du genre sexuel ou de la sexualité. Quarante-six de ces universités proposent des ‘Master’s degree’ et quatorze aussi des ‘PhD" (doctorat). Des départements entiers sont consacrés à ces études depuis les années 1990. Leur champ s’est grandement élargi : "on parle moins d’études féministes et davantage d’études des genres ou de la sexualité, ce qui permet d’inclure aussi l’étude de la masculinité".
Voir la
lettre mensuelle Gènéthique de février 2007 sur le gender
.
Libération (Charlotte Rotman) 26/05/10