Les faux dilemmes de la fausse compassion

Publié le 16 Jan, 2006

Sur l’affaire Humbert, le qualificatif qui revient le plus, et à juste titre semble-t-il, est l’adjectif "tragique" constate Michel Collin, professeur agrégé de philosophie.

Il explique que "face au tragique et au dilemme qu’il engendre, la seule réponse de l’homme serait la sagesse pratique, autre nom de l’antique vertu de prudence". Mais attention à la "vision réductrice qui défigure la prudence ou tout du moins nous enferme dans des situations inextricables". Car est toujours mis en balance la loi et le cas : "la dureté de la loi et le cas douloureux ; la généralité de la règle et la souffrance d’une mère devant son fils". Dans ce contexte, nous cédons à "une compassion fallacieuse et une fausse humilité" et nous percevons la loi "au mieux, comme une entrave à la dynamique de l’action et à l’inventivité du sujet moral, au pire comme un poids qui ralentit les "avancées que la société réclame"."

Or pour une "authentique prudence", la loi ne doit pas être considérée comme une entrave mais comme le socle de l’action et de la réflexion. La loi est "le socle de la prudence car elle libère la réflexion des faux dilemmes pour ouvrir le champ des possibles à inventer", c’est-à-dire dans les cas de fin de vie, les soins palliatifs, l’accompagnement spirituel, la conversion du regard sur la personne souffrante.

Enfin, la prudence permet qu’il y ait moins de situations tragiques et nous évite des "pseudos dilemmes" qu’on se crée en maximisant le bien et en minimisant le mal. Michel Collin montre aussi comment l’utilitarisme et la recherche du plus grand bonheur se sont s’est très vite couverts d’un "vernis compassionnel".

Michel Collin montre à quel point nous sommes "mauvais raisonneur" quand nous considérons un bien relatif comme un bien unique et absolu et légitimons de ce fait tous les moyens pour y parvenir. L’auteur cite en exemple la fable de l’ours, qui pour chasser les mouches perturbant la sieste d’un ami, finit par tuer la mouche en cassant la tête de l’ami. Ainsi dit la morale : "Rien n’est si dangereux qu’un ignorant ami ; Mieux vaudrait un sage ennemi. "

Pour se soustraire à cette "déferlante compassionnelle", l’auteur conseille le mot d’Aristote : “la tempérance (sophrosuné) est la gardienne de la prudence (phronésis)." Ainsi, la raison humaine "pour conduire l’action nécessite un juste rapport au plaisir et à la peine. Non que la raison doive rester froide, mais elle ne doit pas voir son jugement faussé par l’attrait du plaisir et la fuite de la douleur".

Libertepolitique.com (Michel Collin) 13/01/06

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