Les directives anticipées, des éléments pour comprendre

Publié le 6 Nov, 2014

Dans son dernier rapport publié le 23 octobre 2014 au sujet du débat public concernant la fin de vie, le Comité consultatif national d’éthique énonce un certain nombre de préconisations qui ont pour objectif de faire évoluer les dispositions légales qui sont aujourd’hui en vigueur. Parmi ces dispositions, le rapport propose de « rendre contraignantes pour les soignants les directives anticipées exprimant la volonté de la personne ».

 

Rédiger des directives anticipées

 

La loi Leonetti du 22 avril 2005 a précisé les contours de ces directives anticipées. Elles « indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie concernant les conditions de la limitation ou l’arrêt de traitement. Elles sont rédigées par la personne pour le cas où elle serait, un jour, hors d’état d’exprimer sa volonté »1. Ces souhaits concernent les conditions de la limitation ou l’arrêt de traitement, et ils peuvent être suivis dans la limite du respect de la loi. Ainsi, à ce jour, ces directives anticipées peuvent prendre en compte une demande d’accès aux soins palliatifs, d’hospitalisation à domicile, mais elles ne peuvent prendre en compte une demande d’euthanasie.

 

Quand le malade est dans l’impossibilité d’écrire, s’il est en état d’exprimer sa volonté, « il peut demander à deux témoins, dont la personne de confiance (…), d’attester que le document qu’il n’a pu rédiger lui-même est l’expression de sa volonté libre et éclairée. » Par ailleurs, le médecin peut, à la demande du patient, « faire figurer en annexe de ces directives, au moment de leur insertion dans le dossier de ce dernier, une attestation constatant qu’il est en état d’exprimer librement sa volonté et qu’il lui a délivré toutes informations appropriées. »

 

Les conditions de validité des directives anticipées

 

Pour être valides, les directives anticipées doivent avoir été écrites par une personne majeure, moins de 3 ans avant que l’état de la personne ne lui permettre plus d’exprimer sa volonté. Manuscrites, elles peuvent aussi être rédigées à partir d’un formulaire type disponible auprès d’institutions médicales, comme l’assurance maladie ou la Société Française d’accompagnement des soins palliatifs. La loi précise qu’il est possible de reconduire le document tous les 3 ans par simple « décision de confirmation signée par leur auteur ». En même temps, elles sont modifiables et révocables à tout moment.

 

La question de l’évolution des directives anticipées reste entière quand on sait, comme le souligne le CCNE, cité par Slate, que « plus la personne malade se rapproche de la fin de sa vie, plus on observe qu’elle est susceptible de changer d’avis et de réviser ses directives anticipées ». Comment prendre en compte ces directives quand le patient n’aura plus la faculté de dire si elles correspondent encore à sa volonté ? Une question qui s’est posée lors de l’audition de Jean-Claude Ameisen, président du CCNE, par la mission parlementaire sur la fin de vie alors qu’ils évoquaient la possibilité de rédiger deux types de directives anticipées : l’une générale qui reprend les « souhaits » des malades, l’autre plus précise, opposable au médecin, serait rédigée en cas d’annonce de maladie grave (Cf. synthèse de presse Gènéthique du 7 novembre 2014). La réflexion souligne la difficulté de la prise en compte ces directives alors que l’état de santé de leur auteur au moment de la rédaction, ne nécessitait aucune décision quant à la fin de vie.

 

Qui conserve les directives anticipées ?

 

Ces directives anticipées doivent être facilement accessibles pour le médecin qui serait appelé à prendre une décision de limitation ou d’arrêt de traitement, aussi, le décret d’application2 précise qu’« elles sont conservées dans le dossier de la personne constitué par un médecin de ville, qu’il s’agisse du médecin traitant ou d’un autre médecin choisi par elle, ou, en cas d’hospitalisation, dans le dossier médical ». La personne peut elle-même conserver ce document ou le confier à une personne de confiance, un membre de sa famille ou à un proche, mais elle doit informer son médecin ou demander à ce qu’il soit inséré dans son dossier médical.

 

Dans les faits, cette disposition de la loi Léonetti est très peu appliquée, 2% seulement des Français auraient exprimé leur volonté concernant leur fin de vie dans ces directives3.

 

Les directives anticipées doivent-elles s’imposer au médecin ?

 

Béatrix Paillot est médecin gériatre, dans sa pratique, elle prend en compte, dans la mesure du possible, les souhaits exprimés dans ces directives : « Les directives anticipées sont des désirs exprimés par le malade et dont le médecin doit et tient compte dans les soins proposés. Cependant, il reste responsable de ses actes et s’il juge que tel souhait n’est pas éthique ou va à l’encontre des intérêts du malade, il peut ne pas les satisfaire. » C’est aujourd’hui le médecin qui garde la décision finale.

 

Pour donner plus de poids à la volonté des patients, ces directives anticipées pourraient évoluer vers un « testament de vie », Béatrix Paillot explique : « L’ADMD qui milite pour l’euthanasie souhaite faire inscrire dans la loi “le testament de vie” dans lequel le malade aurait la possibilité de formuler des directives anticipées contraignantes pour les soignants. Et notamment, l’euthanasie. Dans cette perspective, si le malade demande l’euthanasie, le corps médical doit obligatoirement répondre à cette demande en procédant à l’acte ou en mettant le malade en rapport avec un médecin qui accepte de poser ce geste. »

 

Au-delà d’une question de vocabulaire, c’est le sens des évolutions mentionnées par le rapport du CCNE, qui rendraient opposables ces directives anticipées, remettant en cause la possibilité, pour le médecin, d’agir en conscience dans le respect de l’intérêt du malade. En effet, au moment du décès de la personne, si ces directives n’avaient pas été respectées, la famille pourrait alors poursuivre le médecin. Or, pour Béatrix Paillot : « Le médecin sur le plan déontologique engage sa responsabilité dès lors qu’il pose un acte médical. Il est donc important de le laisser libre d’agir selon sa conscience. » Aussi, « rendre contraignante les directives anticipées n’a pas d’autre but que de faire un pas de plus en direction de la légalisation de l’euthanasie. »

 

1. Les directives anticipées sont encadrées par l’article L1111-11 du code de la santé publique.

 

2. Décret n° 2006-119 du 6 février 2006 relatif aux directives anticipées prévues par la loi n°2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie.

 

3. http://www.leparisien.fr/informations/pas-facile-d-ecrire-ses-consignes-de-fin-de-vie-23-10-2014-4234353.php#xtref=https%3A%2F%2Fwww.google.fr%2F

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