Les biohackers, bricoleurs de leur propre ADN

Publié le 21 Nov, 2017

Tristan Roberts, américain, s’est injecté lui-même une thérapie génique expérimentale, en diffusant l’expérience sur Facebook. Il était accompagné d’Aaron Traywick, directeur de la société Ascendance Biomedical et de chercheurs restés anonymes. Tristan et Aaron sont membres de la communauté grandissante des biohackers, le mouvement du « do it yourself » en biologie, science médicale et génétique. Ils se réunissent pour se former et expérimenter ensemble divers procédés, aidés aujourd’hui par la facilité d’accès à des kits génétiques sur Internet ou encore à l’outil CRISPR. Ils imaginent pouvoir mettre sur le marché des traitements plus rapidement et à moindre coût que les autorités sanitaires qui seraient, selon eux, freinées par la règlementation ou des préoccupations de rentabilité.

 

« Tristan est entièrement dans son droit (…) [il peut] s’auto-expérimenter de toutes les manières qu’il juge médicalement appropriées, c’est son corps », déclare Aaron Traywick. Mais ces expérimentations soulèvent des réactions virulentes : « C’est un comportement délirant », a-t-on pu lire suite au live stream de Tristan Roberts. Il n’est d’ailleurs pas le seul à avoir tenté l’expérience : au moins trois autres personnes ont essayé publiquement de modifier leurs gènes, dans le but d’inhiber la mort cellulaire ou de stimuler la croissance musculaire. Pour Tristan, l’objectif est de guérir du sida. Diagnostiqué séropositif il y a six ans, il a arrêté ses traitements antirétroviraux il y a deux ans. L’expérience qu’il a tentée consiste en l’injection sous-cutanée d’une solution contenant des milliards de plasmides, des morceaux d’ADN en forme de cerceau contenant une section censée déclencher la production d’anticorps N6. Ceux-ci neutralisent 98% du virus VIH selon des expériences in vitro. Mais utilisé seul, son efficacité pourrait être amoindrie car le VIH pourrait développer une résistance[1].

 

Suite à l’injection, Tristan a ressenti des troubles : réaction cutanée, fatigue, fièvre, perte d’appétit et troubles gastro intestinaux, sans qu’il soit possible de les attribuer directement aux plasmides. Ces symptômes ont disparu au bout de quelques jours. Il a ensuite réalisé une prise de sang pour doser la charge virale et voir ainsi l’impact de l’injection : de nouveau en live, il n’a pu cacher sa déception en découvrant les résultats, loin d’être significatifs d’une quelconque action. Aaron Traywick a déclaré : « Au moins nous ne t’avons pas tué ! ». Son entreprise prévoit de nouvelles expériences en décembre avec des injections d’un plus grand nombre de plasmide, et Tristan projette déjà d’y participer.

 

De nombreux scientifiques et bioéthiciens affirment que de telles expériences sont trop approximatives pour produire des résultats significatifs, que les dangers de l’auto-expérimentation l’emportent sur les avantages spéculatifs, et que les patients qui s’y essaient n’ont aucune idée de ce à quoi ils s’engagent en termes de responsabilité.

 

Suite à ces expériences, la FDA a réagi et rappelé que la vente de kit de thérapie génique « DIY » était interdite par la loi. L’instance s’est dite préoccupée par les risques de telles injections et leur publicité qui peut atteindre des personnes vulnérables sur les réseaux sociaux. L’auto-expérimentation ne peut être interdite, mais la FDA pourrait durcir sa règlementation concernant la vente de fournitures pour ces « thérapies géniques »

 

[1] Un essai clinique est prévu pour 2018.

BBC, Jessica Lussenhop (21/11/2017); Bionews, Theofanis Michailidis (27/11/2017)

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