Le transhumanisme, une évolution historique comme une autre ?

Publié le 15 Mar, 2016

« Pourquoi l’évolution de l’homme devrait-elle s’arrêter ? L’humain ne s’est-il pas transformé au cours de son histoire par ses outils ? Il peut continuer ». C’est ainsi que Marc Roux, de l’Association française transhumaniste, a présenté son courant de pensée le 9 mars, lors d’un débat avec le philosophe Jean Michel Besnier, des neurobiologistes et des économistes[1]. Il se réclame d’un transhumanisme « plus social, rejetant la philosophie libérale-libertaire californienne », d’un « transhumanisme à la française ». Un transhumanisme jugé « plus policé, plus raisonnable, sans doute plus présentable ».

 

L’économiste Brigitte Dormont, plus prudente, lui répond : « Je ne sais pas s’il y a un changement de nature dans ces nouvelles technologies. Mais il y a assurément un risque sans précédent pour notre société, de rupture des mécanismes de solidarité ». Prenant l’exemple des robots, elle explique : « Les anges de fer n’aiment pas. Seule la chair porte notre haine, nos émotions, notre sensualité, notre empathie. Et donc la solidarité ». Jean Michel Besnier abonde en ce sens et complète : « Le transhumanisme bouleverserait la définition même de la santé (…) Elle [la santé] deviendrait le garant des performances d’un homme ‘boosté’, substituant au passage l’ingénieur expert en données au médecin. La prothèse ne sert plus à rester dans la norme du valide, mais à transgresser l’humain, à augmenter les attributs de l’individu, au détriment de la solidarité ».

 

Ainsi, « de l’homme réparé naîtra assurément l’homme augmenté ‘qui transgresse ce qui lui a été donné’ : il verra la nuit, portera de lourdes charges, courra plus vite, grimpera plus haut… un sur-homme. Le handicap visé au départ n’aura été ‘qu’un prétexte à hyperindividualiser le malade’ et à lui apporter des compétences sur-humaines jusqu’à dépasser la mort ».

 

Mais pour les chercheurs présents, « il y a encore un fossé entre l’imaginaire technologique et la réalité technique », entre les prothèses « extraordinaires » de laboratoires, et celles à disposition des patients. Certains s’inquiètent de voir le « chiffon rouge » du transhumanisme s’agiter, car cela risquerait de freiner l’innovation.

 

Jean Michel Besnier conclura ainsi la journée : « Les annonces qui nous sont faites sont prometteuses mais bousculent nos systèmes de santé et nos représentations philosophiques. Elles révèlent nos peurs et notre désamour de l’humain. Ces annonces sont prétextes à réfléchir à ce que nous faisons et à inventer de nouvelles responsabilité ».

 

[1] Organisé par la mutuelle MGEn et l’Institut des Sciences de la communication de l’Université Paris-Sorbonne.

Sciences & Avenir (15/03/2016); Le quotidien du médecin (14/03/2016)

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