Déjà pratiqué couramment, le dépistage néonatal[1] recherche des maladies rares, génétiques pour la plupart, afin de mettre en place un traitement précoce. La précieuse goutte de sang prélevée sur le talon des nourrissons pour ce dépistage pourrait également être utilisée pour séquencer le génome entier des nouveau-nés, à la recherche d’environ 1500 gènes en lien avec des maladies génétiques.
« Cinq à 7% des personnes naissent avec une maladie rare, et beaucoup pourraient être traitées très tôt dans leur vie » si la maladie est détectée, explique Richard Scott, médecin-chef de Genomics England, une entreprise financée par le gouvernement. Selon lui, « le coût [du séquençage du génome] a tellement baissé que nous sommes maintenant à un point de basculement où il serait mal de ne pas le faire ».
Genomics England va donc mener un projet de recherche pilote impliquant jusqu’à 200 000 bébés sur les prochaines années[2]. L’entreprise recherchera à la naissance les gènes de maladies infantiles rares, et stockera également les données du génome « pour plus tard, lorsqu’elles pourront servir à prédire la sensibilité du patient à certains traitements ou ses risques de développer un cancer ». Les parents devront donner leur consentement et les résultats porteront sur des maladies infantiles « traitables ou évitables ». Ce qui représente près de 600 maladies, contre neuf dépistée actuellement.
Réalisé sur des enfants gravement malades, le séquençage du génome a sauvé des vies, permettant de poser un diagnostic et d’initier un traitement. Il « est en train de devenir une nouvelle forme de soins pour les nouveau-nés gravement malades », estime Diana Bianchi, directrice de l’Institut national de la santé infantile et du développement humain. Ainsi en Australie, en Angleterre, en Californie et au Michigan, le séquençage du génome est effectué sur les nouveau-nés « très malades ».
Mais quels gènes doivent être recherchés ? Quid d’une systématisation de ce séquençage ? En 2018, un comité d’éthique financé par le NIH aux Etats-Unis rappelait que « les conséquences sur la santé de nombreuses mutations sont inconnues et que de nombreuses maladies génétiques restent incurables ». « Le génome est tellement, tellement plus compliqué qu’il n’y paraît », confirme Barbara Koenig, membre de ce comité.
Ainsi certaines mutations pourraient ne jamais affecter la santé, s’avérer inutiles et inquiéter des parents. En outre, « ce bébé, dans 18 ans, sera-t-il heureux qu’on ait séquencé son génome entier et qu’on l’ait mis dans une base de données ? »
Qu’en-est-il enfin des maladies incurables ? Un parent a en effet témoigné « qu’il était heureux de ne pas savoir que son fils était atteint de la dystrophie musculaire de Duchenne avant l’apparition des symptômes : ils ont ainsi eu quatre années heureuses et sans souci ».
La systématisation de ce séquençage pourrait en outre faire du tort au dépistage néonatal actuel, provoquant le rejet de l’ensemble par certains parents.
Complément du 23/03/2023 : Le programme britannique commencera à séquencer le génome de 100 000 bébés cette année.
[1] Tests biochimiques et génétiques
[2] Environ 600 000 bébés naissent chaque année au Royaume Uni ; Le Royaume-Uni a déjà mené l’opération 100 000 génomes et dispose ainsi déjà des bases de données et équipements nécessaires.
Sources : Science, Jocelyn Kaiser (23/09/2021) ; Forbes, Arianna Johnson (21/03/2023) – Photo: iStock DR