Le rôle du CCNE trente ans après sa création

Publié le 18 Mar, 2013

 Alors que le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) fête ses trente ans cette année, le quotidien La Croix effectue un bilan sur le rôle de cette instance.

 

Début février, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, “avait appelé à une approche ‘raisonnée’ et ‘sérieuse‘” de la question relative à l’ouverture de la PMA (procréation médicalement assistée) aux couples de femmes et “estimé nécessaire d’attendre l’avis du [CCNE] avant de rédiger le futur projet de loi sur la famille“. Selon la journaliste, “une légitime précaution, pouvait-on penser. En réalité, [poursuit-elle], cette intervention laissait un goût amer: n’était-ce pas une façon d’instrumentaliser le CCNE à des fins politiques, histoire de laisser un peu de temps au gouvernement sur un dossier brûlant?“. 

 

Certes, explique la journaliste, “il n’a jamais été question que cette instance dicte les choix politiques, sa mission étant avant tout d’éclairer la réflexion en matière de bioéthique“. Didier Sicard, ancien président du CCNE pendant neuf ans, jusqu’en 2008, précisait à ce sujet: “le politique est libre!“, et de nombreux avis d’ailleurs pas été suivis d’effet.  Et la journaliste d’ajouter que “rien n’indique d’ailleurs que ses travaux sur la PMA seront déterminants dans le choix du législateur“. 
Cependant, jusqu’au milieu des années 2000, “sa légitimité semblait globalement aller de soi, notamment en raison de son influence concernant les lois de bioéthique“. A ce titre, Pierre Le Coz, professeur de philosophie à la faculté médicale de Marseille et ancien vice-président du CCNE, précise qu’ ” ‘en défendant un certain nombre de principes, comme le respect de la dignité humaine ou l’indisponibilité du corps, le [CCNE] a montré l’intérêt de poser un cadre à l’idéologie individualiste. […] L’institution a permis que soient posés des garde-fous’ dans un contexte de découvertes rapides et inédites en matière de procréation humaine“. Le Comité “a en effet été créé un an après la naissance d’Amandine, le premier ‘bébé-éprouvette’ français, en 1982“. 

 

Mais aujourd’hui, qu’en est-il, s’interroge la journaliste. En effet, déjà en 2011, lors de la dernière révision des lois de bioéthique, “l’influence du CCNE a semblé moindre“. Et “depuis, les velléités de remise en cause de ces lois n’ont pas cessé, quitte à faire fi de principes jusque-là considérés comme fondateur“. Ainsi en est-il de “l’interdiction (avec dérogation) de la recherche sur l’embryon qui est sur le point d’être levée“, “le suicide assisté qui devient une hypothèse de travail, en rupture avec l’esprit de la loi Léonetti sur la fin de vie, pourtant adoptée il y a huit ans à la quasi unanimité” et “la notion ‘d’infertilité sociale’ qui a fait son apparition” pour “justifier l’ouverture de la PMA en dehors des indications médicales“. 

D’autres défis sont posés au CCNE, comme “l’attrait pour le débat binaire (‘pour’ ou ‘contre’ l’euthanasie par exemple)” et “la difficulté à faire émerger dans le débat public une réflexion nuancée“. Ainsi, la journaliste s’interroge: “dans un tel contexte, une approche éthique est-elle encore possible? et qui peut la porter?” A cette question, Pierre Le Coz répond que “plus que jamais, il faut un lieu de résistance“. Didier Sicard quant à lui, estime qu’il est “primordial dans notre société, de préserver une instance dénuée d’intérêt, n’ayant pas de visée utilitariste, dont le but n’est pas de donner des solutions, mais de mettre en évidence la complexité des contradictions“. Pour Roland Gori, psychanalyste, “le CCNE, pour être légitime, doit être capable d’animer une réflexion éthique dans toute la société, en évitant le piège de ‘l’expertise’ “. 

 

A ce propos, la journaliste explique que la loi de bioéthique du 7 juillet 2011 a “marqué un tournant” en prévoyant que “tout projet de réflexion sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé” doit être désormais précédé d’états généraux, organisés à l’initiative du CCNE. Patrick Gaudray, président de la section technique du CCNE, assure qu’ “il y a une forte demande d’information et de débat sur ces questions“. Et pour Pierre Le Coz, “pour aller dans le sens d’une réelle éthique, portée par la société“, il faut entre autre que “les avis [du CCNE soient] plus concis et accessibles pour que chacun, même sans bagage scientifique, puisse s’en saisir’ “. 

 La Croix (Marine Lamoureux) 19/03/2013

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