Alors que beaucoup déplorent l’impréparation des pays à faire face à l’épidémie de Coronavirus, Pierre-Antoine Delhommais, journaliste au Point, avoue être « impressionné par le professionnalisme héroïque des soignants, mais aussi par la mobilisation des élus et des autorités sanitaires, être fasciné par les gigantesques moyens logistiques déployés, par l’intensité de la coopération scientifique internationale ou par le degré de technicité des soins apportés aux malades ».
Il rappelle que les deux pandémies des Trente Glorieuses, la grippe asiatique[1] et celle de Hong-Kong[2], soit 132000 morts à elles deux, eurent lieu dans « l’indifférence générale ». Et personne ne pensa renoncer à la croissance économique forte « en mettant délibérément le pays à l’arrêt ». L’éditorialiste ajoute : « On avait le cœur autrement plus sec qu’aujourd’hui pendant les Trente Glorieuses ».
Tous les jours explique-t-il, « d’innombrables décisions économiques sont prises, de façon plus ou moins explicite, par apport à l’évaluation du prix d’une vie humaine » : remplacement d’un passage à niveau dangereux par un pont « au coût élevé pour la collectivité »… Et en cette période de pandémie, « les mesures de confinement vont avoir un énorme coût économique et financier ».
Aussi, pour Pierre-Antoine Delhommais, « alors que nos sociétés étaient décrites comme obsédées par l’argent, pourries par l’individualisme, gangrénées par la consommation et l’ « économisme », toutes ont fait le choix de sacrifier leurs intérêts économiques et financiers pour protéger la santé de leur population ». Il termine : « Il est très déroutant de constater que le capitalisme néolibéral et mondialisé, censé être profondément déshumanisé, accorde une valeur aussi élevée et presque inestimable à la vie humaine ».
Le Point (26/04/2020)
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