Avortement : Le Parlement européen prétend faire la leçon à la Cour suprême des États-Unis

Publié le 24 Juin, 2022

En attendant le jugement de la Cour suprême des États-Unis sur l’avortement, dans les deux prochaines semaines, voici une analyse d’une résolution du Parlement européen qui s’inquiète d’un revirement de jurisprudence. Les députés européens osent donner aux juges américains une leçon sur la Constitution des États-Unis. L’ECLJ est intervenu en tant qu’“amicus curiae” dans l’affaire en cours auprès de la Cour suprême.

En mai, un projet de jugement de la Cour suprême des États-Unis sur l’avortement avait fuité dans la presse. Les juges constitutionnels envisagent de rendre aux États la possibilité de protéger la vie des enfants à naître. Depuis la publication frauduleuse de ce texte, les partisans de l’avortement s’acharnent sur la Cour suprême. Pour certains d’entre eux, tous les moyens semblent bons, même la tentative d’assassinat de l’un des juges à son domicile, le 8 juin. Ce même jour, le Parlement européen a débattu d’une résolution adressée à la Cour suprême.

Une supercherie, qui mérite d’être analysée en détail

La résolution porte sur le « démantèlement possible du droit à l’avortement par la Cour suprême des États-Unis » et a été adoptée le lendemain, 9 juin. C’est une initiative de quatre groupes politiques du Parlement, de l’extrême-gauche aux libéraux. Certes, il est habituel que le Parlement européen prenne position sur des points d’actualité, par des textes pléthoriques, sans valeur législative et manquant bien souvent de sérieux. Mais cette résolution est, davantage que les autres, une véritable supercherie, qui mérite d’être analysée en détail.

La résolution commence par un visa, listant 33 références, au soutien d’un prétendu « droit à l’avortement ». Des traités internationaux sont abusivement cités, alors qu’aucun d’entre eux n’inclut un tel droit. Au contraire, plusieurs consacrent un droit à la vie. La Convention de l’ONU sur les droits de l’enfant reconnaît même le besoin de protéger juridiquement les enfants avant leur naissance. Les députés instrumentalisent aussi la conférence du Caire de 1994, en oubliant que les gouvernements s’étaient alors engagés à « réduire le recours à l’avortement ».

La mobilisation d’experts de l’ONU controversés

À la suite du visa, viennent 18 considérants. Le Parlement européen y détaille les éléments de contexte motivant sa résolution : « la montée en puissance de l’extrême-droite », la « pression sur des gouvernements et des tribunaux en dehors des États-Unis pour qu’ils remettent en cause le droit à l’avortement », le « recul du droit d’accès à un avortement légal et sans risques ». Sans avoir peur du ridicule, les députés européens constatent également que les restrictions en matière d’avortement « toucheraient de manière disproportionnée (…) les personnes LGBTIQ » (sic.).  

Dans deux considérants, le Parlement européen s’appuie sur les experts de l’ONU les plus controversés, depuis des révélations d’août 2021 sur les financements privés qui les influencent. Il cite une déclaration signée par Tlaleng Mofokeng, experte qui présente l’avortement comme un « acte radical d’amour de soi », et Melissa Upreti, experte financée par la galaxie Soros. Le Parlement européen valide par ailleurs l’idée de l’expert onusien Juan Méndez qui assimile restriction de l’avortement et « torture », « idée » soutenue notamment par un chèque de 90 000 dollars de la Fondation Ford.

Une distribution de bons et mauvais points

Après les considérants, le cœur de la résolution elle-même commence par « condamner fermement » tout ce qui s’oppose à l’avortement, puis par distribuer des bons et mauvais points. Joe Biden est « encouragé », le Texas et d’autres États du Sud sont « invités » à abroger leurs lois. Les députés européens « se félicitent » d’un vote de la Chambre des représentants, mais « regrettent profondément » le vote contraire du Sénat américain. Le Parlement européen exprime aussi « sa vive solidarité (…) aux femmes et aux filles des États-Unis ».

C’est surtout la Cour suprême des États-Unis à laquelle le Parlement européen ose donner une leçon… sur le droit constitutionnel américain. Les députés européens prétendent également expliquer aux juges américains qu’« il importe de maintenir l’arrêt historique Roe v. Wade (1973) », car il « fait jurisprudence », et qu’un revirement de jurisprudence aurait des « conséquences ». Le cas échéant, la résolution invite les autres institutions européennes à « condamner » et « dénoncer » un tel revirement.

Le jugement de la Cour suprême très attendu

Les réactions mondiales sur le projet de jugement de la Cour suprême accentuent les tensions sociales au sujet de l’avortement, déjà fortes aux États-Unis. Pourtant, ce texte n’est pas en lui-même « pro-life », car il ne déclare pas l’avortement contraire à la Constitution américaine. Il ne fait que rendre au politique le pouvoir de légiférer sur la question, au niveau des États fédérés (ou même de l’État fédéral). Les États n’auront plus l’obligation constitutionnelle de légaliser l’avortement, mais rien ne les obligera non plus à l’abroger.

Il est paradoxal que le Parlement européen s’indigne autant de ce projet de jugement, alors qu’il n’est qu’un alignement sur la position des juges européens. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) laisse en effet aux États européens la possibilité de réglementer l’avortement, dans un sens ou dans l’autre. Les députés européens, du fait même de leur fonction politique, devraient logiquement approuver cette idée de ne pas laisser le juge se substituer au politique.

 

Cette tribune de Nicolas Bauer a été initialement été publiée sur Famille chrétienne. et le site de l’ECLJ.

Nicolas Bauer

Nicolas Bauer

Expert

Nicolas Bauer est chercheur associé à l’ECLJ et doctorant en droit.

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