Le DPNI pour remplacer le « dépistage standard » de la trisomie 21 ?

Publié le 13 Avr, 2015

Début avril, une étude sur le DPNI était publiée dans The New England Journal of Medicine[1] (cf. Gènéthique du 7 avril 2015). Ces résultats ont été largement salués par les médias. Pourtant, l’information qui était transmise confondait le « dépistage » avec le « diagnostic ». Une confusion qui conduit à brouiller la compréhension tant des résultats que des véritables enjeux.

 

L’étude NEXT[2] dont il est question, testait l’hypothèse selon laquelle le DPNI est plus performant que le « dépistage standard » : c’est-à-dire l’évaluation du risque qu’un enfant soit porteur de la trisomie 21 par la mesure de sa clarté nucale et par les marqueurs sériques maternels. Ce dépistage se distingue de l’amniocentèse qui permet de diagnostiquer la trisomie.

 

Le DPNI est un test de détection de la trisomie 21, basé sur l’analyse de l’ADN fœtal circulant dans le sang maternel (cf. Gènéthique du 18 mars 2015, du 5 octobre 2012 et du 1er novembre 2012). Il a été mis au point en 2008, mis sur le marché dans quelques pays en 2011 et il est commercialisé en France par le laboratoire Cerba depuis l’automne 2013. Il a déjà fait l’objet de plusieurs études (cf. Gènéthique 1er octobre 2014), mais principalement dans des populations de femmes « à risque » de trisomie 21. L’étude NEXT vient donc compléter les résultats en testant le DPNI dans la population générale.

 

Cette étude a été financée par le laboratoire Ariosa Diagnostic, et a été menée dans 6 pays différents, incluant près de 20 000 femmes enceintes entre mars 2012 et avril 2013.

Chaque femme a passé les tests de dépistage standard et de dépistage non invasif. L’étude conclut que « les résultats du DPNI sont supérieurs au dépistage traditionnel du premier trimestre pour dépister la trisomie 21 dans la population générale », et l’avantage formulé de ce test est de diminuer le nombre de prélèvements invasifs (par amniocentèse). 

En effet, sur l’échantillon de femmes testées, le DPNI a détecté 47 femmes à risque dont 38 portaient un enfant atteint de trisomie 21, tandis que le dépistage standard a détecté 884 femmes à risque dont 30 portaient un enfant atteint de trisomie 21. Après diagnostic par amniocentèse, 38 femmes portaient effectivement un enfant atteint de trisomie 21. Le DPNI en a donc détecté 100% avec 0,06% de faux positifs, et le dépistage standard 79% avec  5,4% de faux positifs.

 

Cependant, les résultats ne tiennent pas compte de 3% des femmes chez qui le DPNI n’a pas pu être pratiqué parce que la quantité d’ADN fœtal dans le sang maternel était inférieure à 4% ou à cause d’un échec du test. Or dans ce groupe, il y avait 13 cas d’aneuploïdies[3] dont 3 cas de trisomie 21 (détecté par dépistage standard). Dans ses conclusions, l’étude montre que d’autres recherches doivent être menées, ou propose d’effectuer directement un test invasif chez les femmes n’ayant pas de résultats avec le DPNI (3% des cas dans l’étude NEXT).

 

Par ailleurs, le DPNI n’a pas permis de dépister les 30 autres anomalies chromosomiques détectées par dépistage standard. Il ne dépiste « que » les trisomies 21, 13 et 18.

Les auteurs recommandent donc « d’être prudent » au vu du coût de ce dépistage. « Bien que la sensibilité et la spécificité du DPNI soit supérieures à celles du dépistage standard, ses bénéfices sont moindre si l’on considère les cas ‘ sans résultats’. »

 

Comme l’a rappelé Jean Yves Nau, sur ce sujet, les « considérations techniques masquent la réalité des dimensions éthiques ». Les avis rendus, aussi bien du CCNE en janvier 2013 que du CNGOF[4] en avril de la même année, portent sur la place de ces nouveaux tests dans le parcours de soins. Les avis imminent de la DGS[5] ou de la HAS[6] portent également sur le problème économique que posent ces tests.

Les prochains résultats attendus sont ceux de l’étude SAFE21 (courant 2016), coordonnée par l’hôpital Necker et le laboratoire Biomnis. Là encore, la question est uniquement posée sous l’angle de l’impact médico-économique du DPNI.

 

Mais quid de la question de fond du dépistage prénatal ?

 

 

[1] New England Journal of medicine, cell-free DNA Analysis for Noninvasive Examination of Trisomy, Norton & al., 01/04/2015.

[2] Non Invasive Examination of Trisomy.

[3] Anomalie du nombre de chromosomes dans une cellule

[4] Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français

[5] Direction Générale de la Santé

[6] Haute Autorité en Santé

 

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