Avec le phénomène du corps connecté qui ne cesse de s’amplifier, les disciplines normatives, l’éthique et le droit, se doivent de réagir.
Jean-Christophe Galloux, professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris II), souligne dans une tribune que « les notions d’intégrité et d’intimité sont au cœur du débat sur le corps connecté et, au-delà, sur le transhumanisme ».
Avec les Google Glass, le développement des TIC [1] et la miniaturisation des objets, « le corps est peu à peu devenu capteur et capté ». Le grand public est atteint par le mouvement du « quantified self » au départ réservé aux sportifs, et les connexions implantées sur le corps lui-même ne sont plus seulement motivées par des finalités médicales.
Si dès 2005, le Groupe européen d’éthique a publié des recommandations, le Comité consultatif d’éthique a émis en 2013 un avis sur le recours aux techniques de « neuro-amélioration » chez la personne non malade, et la CNIL a édité un dossier sur « le corps, nouvel objet connecté », aucune règle particulière en France ou en Europe ne concerne la connexion du corps. « Seule la législation sur les dispositifs médicaux permet, à la marge, d’empêcher la mise sur le marché de certains appareils de connexion ».
Jean-Christophe Galloux soulève le point problématique : « La réglementation relative à la protection des données personnelles est centrale ». Si « la loi nationale et européenne confère à chaque individu le droit à l’autodétermination informationnelle », et que, parmi ces données personnelles, « les données de santé jouissent d’un statut particulier », celles-ci ne sont pas clairement définies. « Les enjeux sont considérables » : l’ouverture des données de santé aux acteurs économiques est essentielle, soutient le professeur Galloux, mais au profit de tout individu, elle devient une menace évidente pour la liberté de chacun.
Pour l’instant, la France est dotée d’une législation du corps fondée sur les principes d’indisposition et de protection de l’intégrité corporelle, avec notamment l’article 16-3 du Code civil qui précise qu’« il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui », avec le consentement, si son état le permet, de l’intéressé. Ainsi, « un tiers ne saurait (…) franchir la barrière corporelle pour des fins autres que médicales ». Cependant, cette disposition n’interdit pas à l’individu de recourir à des implants non médicaux pour lui-même, note Jean-Christophe Galloux. Et il est permis, ajoute-t-il, « de se demander combien de temps encore, la disposition de l’article 16-3 du Code civil va être maintenue, sous l’assaut des lobbys de tous bords ». Sachant qu’elle a « déjà fait l’objet d’une modification législative par laquelle le mot ‘médical’ a été substitué au mot ‘thérapeutique’ ».
[1] Technologies de l’informatique et de la communication.
La Croix (04/03/2016)