Le Conseil de l’Europe s’attaque à l’objection de conscience

Publié le 29 Sep, 2010

Le projet de résolution "Accès des femmes à des soins médicaux légaux : problème du recours non réglementé à l’objection de conscience" présenté en juin 2010 par la Commission des questions sociales, de la santé et de la famille de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) et rédigé par Christine McCafferty suscite de nombreuses contestations (Cf. Synthèse de presse du 24/06/10). L’APCE débattra de ce projet de résolution et de recommandation le 7 octobre 2010.

Pour le Centre européen pour la loi et la justice (ECLJ), ce projet est très préoccupant car il porte atteinte à la liberté de conscience des prestataires de soins de santé (Cf. Synthèse de presse du 21/09/10). Le texte considère que l’objection de conscience pose problème car son invocation croissante par les professionnels de santé rendrait de plus en plus difficile "l’accès aux ‘services de santé reproductive’, c’est-à-dire principalement l’accès à l’avortement, mais aussi à la procréation médicalement assistée ou encore à la stérilisation à visée contraceptive". Le projet mentionne également les techniques d’euthanasie active. 

Grégor Puppinck, directeur de l’ECJL, explique que le recours à la notion d’ "équilibre" est au centre de l’argumentation du rapport de Mme McCafferty. Le droit utilise en effet la notion d’"équilibre" pour résoudre des situations dans lesquelles deux droits contradictoires et de même valeur s’opposent. Le droit à l’objection de conscience pourrait s’opposer à un "droit à l’avortement" s’il existait. Or, "un tel droit n’existe pas et ne peut exister, car l’avortement est par définition une exception au droit à la vie, et non un droit en lui-même" a souligné Grégor Puppinck. En supposant qu’un "droit à l’avortement" existe, il ne pourrait avoir la même valeur que le droit à l’objection de conscience car ce dernier s’enracine "dans un droit fondamental et inconditionné : la liberté de conscience. En revanche, l’avortement ne peut être un droit fondamental car il ne résulte pas de la nature de l’homme et il est conditionné". Enfin, s’il existait un "droit à l’avortement", l’obligation de le garantir pèserait sur l’Etat le reconnaissant comme tel et non pas sur un médecin ou une sage-femme personnellement confronté à une demande d’IVG. Le projet de Mme McCafferty propose que les Etats membres obligent les personnels médicaux qui s’y refusent, pour des raisons de conscience, à pratiquer des IVG et autres "soins de santé génésique". D’une part, le texte propose de retirer le droit à l’objection de conscience de toute personne participant indirectement à un avortement comme c’est le cas pour certains anesthésistes, infirmières, sages femmes ou aides soignants. D’autre part, le texte invite les Etats à "obliger le prestataire de soins de santé [directement concerné] à fournir le traitement désiré auquel le patient a légalement droit, malgré son objection de conscience" : contrainte qui s’appliquerait "en cas d’urgence" et surtout "lorsqu’il n’est pas possible de diriger le patient vers un autre prestataire de soins de santé (en particulier en l’absence de praticien équivalent à une distance raisonnable)". Tout médecin pourrait ainsi être légalement obligé de procéder lui-même à un avortement : "cette obligation renvoie au modèle totalitaire en vigueur actuellement en Chine, ou autrefois en Europe de l’Est où les médecins étaient, dans certains pays, obligés de faire des avortements".

Ces recommandations du rapport de Mme McCafferty violent les droits fondamentaux des professions médicales, à commencer par leur liberté de conscience. L’un de ces objectifs majeurs est clairement de transformer le droit fondamental de l’objection morale tel qu’énoncé par des clauses de conscience en une exception à la règle générale. Cette manoeuvre est profondément symbolique : "le ‘droit à l’avortement’ deviendrait la règle et l’objection de conscience l’exception". Autrement dit, "c’est l’objection de conscience qui devient en quelque sorte immorale, car contraire au droit à l’avortement". Grégor Puppinck explique que "le droit de refuser de pratiquer un avortement ou une euthanasie n’est pas une question d’opinion individuelle ou de choix religieux : c’est une question de justice. […] Vouloir enfermer l’objection de conscience dans le domaine de la liberté d’opinion, c’est enfermer la justice dans le relativisme". Le projet McCafferty tente précisément d’entacher "les objecteurs de conscience d’une présomption de mauvaise foi, en indiquant qu’ils ‘doivent prouver que leur objection se fonde sur leurs convictions religieuses ou leur conscience et que leur refus est de bonne foi". Il s’agit d’une façon de ramener l’objection de conscience des médecins "à une simple opinion parmi d’autres, devant être équilibrée avec les opinions et désirs des tiers. Ainsi, tout devient relatif, sauf la loi qui s’impose aux consciences".

Le 23 septembre 2010, Sophia Kuby, directrice exécutive de European Dignity Watch a également dénoncé la tentative du Conseil de l’Europe de faire de l’avortement un "droit".  Elle souligne que le rapport requiert de la part des médecins de présenter uniquement des croyances religieuses pour justifier d’un refus de procéder à certains actes, comme par exemple des avortements. Le rapport demande également que les hôpitaux publics et les cliniques n’aient pas le droit d’objecter et qu’un registre des objecteurs de conscience soit créé.

Les médias français restent aujourd’hui assez silencieux sur le sujet.

Zenit 24/09/10 – Liberté Politique.com (François de Lacoste Lareymondie) 24/09/10 – Scriptor.org 24/09/10 – Hazteoir.org 23/09/10 – Europapress.es 23/09/10 – Intereconomia.com 25/09/10 – Aciprensa.com 26/09/10 – Analisisdigital.com 24/09/10 – Larazon.es (José Luis Requero) 28/09/10

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