Le Conseil de l’Europe rejette le rapport sur la GPA

Publié le 20 Sep, 2016

Le Conseil de l’Europe examinait aujourd’hui le rapport sur la GPA présenté par le député européen, Petra de Sutter (cf. La GPA n’est pas inéluctable et Conseil de l’Europe : La GPA de nouveau en question). Un rapport controversé, déjà rejeté. Un entêtement qui donne l’impression d’une volonté de passage en force, mais qui n’a pas atteint pas son objectif.

Claire de La Hougue, avocate, chercheur associé à l’ECLJ, décrypte pour Gènéthique les enjeux soulevés par ce rapport.

 

La gestation par autrui (GPA) est un contrat qui prévoit la conception, la gestation, l’abandon et la remise d’un enfant par une femme à un ou plusieurs commanditaires.

 

Qu’elle soit commerciale ou bénévole, cette pratique porte gravement atteinte à la dignité humaine car elle traite les personnes comme des objets, des moyens de satisfaire un désir.

 

La GPA viole la dignité des femmes et des enfants

 

La gestation par autrui utilise la femme comme un moyen, un instrument permettant d’obtenir l’enfant désiré. Même dans la gestation par autrui dite altruiste, la mère porteuse reçoit le plus souvent une « indemnité » qui peut être 2 à 10 fois plus élevée que la rémunération d’une mère porteuse « commerciale » dans un autre pays. D’ailleurs, dans l’hypothèse rare où la mère est vraiment bénévole, le résultat est que tout le monde est payé sauf la mère : les médecins, avocats, assureurs et autres intermédiaires gagnent de l’argent grâce à la GPA soi-disant altruiste.

 

L’enfant, lui, est l’objet d’un contrat, il est conçu, mis au monde et livré sur commande, en exécution d’un contrat. Qu’on le donne ou qu’on le vende, on dispose de lui comme d’un bien dont on serait propriétaire. Or, en droit international comme en droit français, la situation d’une personne sur laquelle s’exercent un ou plusieurs attributs du droit de propriété s’appelle l’esclavage. On dispose de lui. Que ce soit à titre gratuit ou onéreux n’y change rien. Les intentions des commanditaires n’y changent rien non plus.

 

Interdire seulement la gestation par autrui commerciale équivaudrait à en accepter le principe, or cette pratique en elle-même viole la dignité des femmes et des enfants, quelles qu’en soient les modalités, car elle les traite comme des objets, des moyens de satisfaire un désir.

 

La gestation par autrui même prétendument altruiste ne peut être acceptée, cela reviendrait à dire qu’on accepte l’esclavage, la traite des personnes ou la vente d’enfant dans certaines circonstances et que ces pratiques peuvent être éthiques si elles sont bien réglementées.

 

La gestation par autrui ne peut pas être éthique car elle est intrinsèquement contraire à la dignité humaine.

 

S’incliner devant le fait accompli lorsqu’elle est pratiquée à l’étranger sous prétexte d’intérêt de l’enfant serait admettre que cette pratique est acceptable au regard de la dignité des personnes. Ce serait encourager la fraude à la loi des Etats qui ne l’acceptent pas.

 

Quel que soit l’habillage du rapport, en l’occurence l’intérêt des enfants, il s’agit toujours d’essayer de faire valider une pratique qui en elle-même viole la dignité humaine.

 

Une procédure inacceptable

 

Par ailleurs, la procédure est inacceptable. Le 15 mars une majorité des députés de la Commission chargée du dossier a voté contre un premier projet de rapport favorable à la gestation par autrui, présenté par Petra de Sutter. Elle a tenté une nouvelle fois de le faire passer en juin, et de nouveau aujourd’hui.

 

Le projet condamne fortement la GPA commerciale pour mieux faire passer une prétendue « GPA altruiste ». Tout aussi hypocritement, il invoque la protection des droits des enfants pour, dans les faits, mieux garantir les droits des adultes sur les enfants nés par GPA et placer les Etats devant le fait accompli.

 

Le rapporteur, Petra de Sutter, est gynécologue et pratique la GPA et la PMA à l’hôpital de Gand ; elle collabore avec une entreprise de GPA commerciale en Inde. Le conflit d’intérêts ayant été dénoncé par plusieurs députés, la Commission des affaires sociales aurait dû trancher cette question par vote à bulletin secret comme le règlement le prévoit. Or, le 27 janvier 2016, par une entourloupe de procédure, ce vote a été remplacé un vote à mains levées qui a décidé, par une courte majorité, de ne pas examiner la question du conflit d’intérêts.

 

Après le vote du 15 mars rejetant le rapport De Sutter, plusieurs députés ont demandé que la procédure soit abandonnée ou qu’elle soit confiée à un autre rapporteur. Cette demande a aussi été refusée.

 

En outre, la confidentialité des travaux parlementaires a été renforcée. Un comble pour une instance qui devrait être un exemple de transparence et de « démocratie ouverte » : le projet de rapport et de résolution est confidentiel, les discussions sont à huis clos, les personnes défavorables à la GPA n’ont pas été auditionnées. Ne cherchez pas à en savoir plus, c’est strictement confidentiel…

 

Le Parlement européen a condamné, au mois de décembre, la pratique de la gestation par autrui. Le Conseil de l’Europe doit aussi interdire la maternité de substitution quelles qu’en soient les modalités.

 

Un contrat dont l’objet est un être humain, un enfant dont l’abandon par sa mère est programmé, dont la filiation est volontairement brouillée ne peut produire d’effets juridiques reconnus par des Etats qui prétendent respecter la dignité humaine et les droits de l’homme.

 

Aujourd’hui, le Conseil de l’Europe a utilisé une procédure très inhabituelle : après avoir rejeté le rapport et le projet de résolution, les députés ont examiné le projet de recommandation qui lui était annexé. Ce projet, amendé, a quant à lui été adopté. Il fera l’objet d’un débat en octobre à l’occasion de la prochaine session de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

Claire de La Hougue

Claire de La Hougue

Expert

Docteur en droit, ancien avocat au Barreau de Strasbourg, chercheur associé à l'ECLJ

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