L’Assemblée du Conseil de l’Europe pourrait demander aux États européens de lever l’anonymat des donneurs de gamètes

Publié le 5 Avr, 2019

Lors de sa session de printemps, du 10 au 14 avril, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe devrait se prononcer pour la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes. Chistophe Foltzenlogel, juriste du Centre Européen pour la loi et la Justice, explique les enjeux de cette décision.

 

Cette institution, tout-à-fait distincte de l’Union européenne et qui compte 47 États membres, vote régulièrement des résolutions et recommandations non contraignantes principalement en matière de droits de l’homme, pour tous les États européens, à l’exception du Bélarus. Ce vendredi 14 avril 2019, la sénatrice belge Petra De Sutter présentera son rapport assorti d’un projet de recommandation intitulé : « Don anonyme de sperme et d’ovocytes : trouver un équilibre entre les droits des parents, des donneurs et des enfants ».

 

FIV homologues ou FIV hétérologues ?

 

Afin de faire consensus, le rapport se contente de prendre acte de l’existence dans de nombreux pays européens de l’utilisation des techniques de procréations médicalement assistées. Il s’agit pour des couples, généralement stériles, de faire appel à des médecins pour pratiquer des fécondations in vitro avec insémination de l’embryon fécondé dans l’utérus de la mère. Si cette fécondation peut être dite homologue, c’est-à-dire faite avec le sperme de l’époux et un ovule de la mère qui sera inséminée, elle peut être aussi hétérologue, c’est-à-dire faite avec le sperme d’un donneur, tiers et/ou l’ovule d’une donneuse, par principe anonyme.

 

Connaitre son donneur : une demande de plus en plus fréquente

 

Après plusieurs décennies de pratiques presque insouciante, la France et d’autres pays se trouvent aujourd’hui confrontés à de très nombreux enfants devenus adultes réclamant le droit de connaître « leur donneur » ; connaître la où les personnes qui ont donné leurs gamètes et auxquels ils doivent la vie.

 

Face à ces demandes, la France et d’autres pays européens maintiennent le principe de l’anonymat afin de protéger la filiation des parents ayant eu recours à ces techniques. D’autres comme l’Allemagne ou les pays scandinaves permettent à ces enfants devenus majeurs d’obtenir des informations sur leurs parents génétiques.

 

En violation des droits des enfants

 

Il faut reconnaître que cet anonymat viole objectivement le droit des enfants de connaître leur origine. Cela peut être grave pour des raisons médicales si le donneur a transmis une prédisposition pathologique. Bien plus, cela nuit à la construction de l’identité de l’enfant pour qui des questions existentielles restent sans réponse : d’où viens-je ? Pourquoi telle personne a-t-elle fait un don ? Qui est cet être à qui je dois la vie ? Ai-je d’autres demi-frères ou demi-sœurs ? À cette fin le rapport, qui sera débattu et éventuellement amendé, propose de lever l’anonymat des donneurs, pour l’avenir uniquement, et à la demande des enfants conçus par don de gamètes ayant atteint 16 ou 18 ans.

 

Cette approche consensuelle devrait permettre l’adoption de cette recommandation.

 

Vers un bouleversement de taille

 

On ne peut cependant que regretter que les membres de cette assemblée – et de toutes les assemblées ayant légalisé de telles pratiques, ne voient pas qu’une telle solution, loin de régler un simple dysfonctionnement de la PMA, est probablement une nouvelle étape vers un bouleversement de taille : la dissociation complète de la filiation et de la biologie.

 

En effet, si la levée de l’anonymat peut être espérée afin de rétablir la vérité biologique, on peut craindre que cela ne soit qu’une étape vers une parentalité et une filiation établies uniquement par la volonté. Même si cette recommandation est adoptée et appliquée, on continuera à l’avenir de tronquer et modifier la filiation de l’enfant selon les procédures qui auront permis sa naissance, tout en lui concédant le droit de connaître un jour son géniteur ou sa génitrice, s’il en fait la demande.

 

Cela laisse également ouverte la question des conséquences d’un tel accès aux origines génétiques. La personne ayant trouvé son véritable géniteur pourra-t-elle faire reconnaître sa filiation avec celui-ci ou cela restera-t-il interdit ?

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