L’Agence de Biomédecine publie son rapport annuel

Publié le 17 Oct, 2016

Comme chaque année, l’Agence de Biomédecine a rendu son rapport public début octobre. On y apprend que son Conseil d’orientation s’est penché sur la GPA, la PMA pour toutes, mais aussi qu’un groupe de travail réfléchit à l’âge limite pour la PMA. Ce qui sous-entend que de prochaines dérives pourraient s’inviter à l’occasion de la révision des lois de bioéthique.

 

A ce stade, l’ABM va se concentrer sur le développement du protocole Maastricht 3[1] pour le don d’organes, le don de gamètes, et la recherche sur l’embryon, mais aussi sur « l’accompagnement des innovations technologiques, guidé par des préoccupations éthiques » : une référence, s’il fallait la nommer, au diagnostic prénatal non invasif de la trisomie 21. On se souvient que l’ABM anticipe son inclusion dans la politique de dépistage (cf. L’ABM anticipe l’entrée du DPNI dans la stratégie française de dépistage de la trisomie 21).

 

Anne Courrèges, directrice générale et Sophie Caillat-Zucman, présidente du Conseil d’administration, se félicitent d’être à la tête d’une exception internationale, en ce qu’elle concentre toutes les activités françaises de greffe, procréation, génétique, et embryologie humaine. Dans tous ces domaines, l’ABM encadre l’activité et l’évalue. Ses groupes de travail regroupent des experts « partageant les mêmes objectifs », qui au besoin font appel à des « parties prenantes » telles que des associations de patients et d’usagers. Bien que l’objectivité d’une telle entreprise puisse être mise en doute, l’ABM affirme haut et fort qu’elle se veut « éthique », « transparente » et « équitable ».

 

L’entêtement de l’ABM pour la recherche sur l’embryon

En matière de recherche sur l’embryon, on sait l’obstination de l’ABM. Depuis plus de dix ans, « les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh) suscitent de l’espoir ». Ces recherches « nécessitent du temps pour aboutir » lit-on dans le rapport, ce qui explique les renouvellements d’autorisation. Pourtant le professeur Menasché[2] le dit lui-même : « Ce n’est pas une révolution » ! Le rapport évoque « de nombreuses publications » en lien avec ces autorisations, mais les chiffres et les références manquent. Quant aux cellules iPS[3], Patrick Niaudet, président du Conseil d’orientation, déclare qu’elles « ne sont pas assez connues ». Pour lui, « il reste de nombreuses questions scientifiques à résoudre sur la connaissance fine des iPS si bien que la recherche sur les CSEh conserve pour l’heure tout son intérêt ». Un argument qui laisse sceptique.

 

Enfin, en annexe du rapport, on constate que l’objectif « Assurer une mission d’information du citoyen dans le domaine de la recherche sur les CSEh et l’embryon humain en France » n’est pas rempli : « Aucun indicateur n’a été retenu ». Un oubli ?

 

L’AMP, un domaine cher à l’ABM

Dans le domaine de la procréation, les chiffres restent éloquents : près de 150 000 tentatives pour faire naître 25 000 enfants. Un rendement faible, alors que tout est pensé dans les moindres détails, jusqu’à la publication en 2015 d’un « atlas » de la PMA.

 

Le don de gamètes, priorité de l’ABM, bénéficie d’une « communication innovante ». Dérive du champ sémantique, ce don est classé parmi les « dons du vivant » et non plus dans la PMA. Pourtant, un don de gamète est-il comparable à un don de sang ou d’organes ? Ici, l’ABM a tranché, et les donneurs de gamètes bénéficient à présent d’un « guide de la prise en charge financière ». Le sacrosaint principe de gratuité implique désormais le remboursement des frais de déplacement, des pertes de revenu, des frais médicaux…

 

Au long de ce rapport, le souci d’ « éthique » de l’ABM peine à transparaitre. La transparence proclamée demeure opaque. L’équité prime, au risque d’en devenir totalitaire. Une exception française dont il faudrait se féliciter ?

 

Le rapport de l’ABM 2015 en quelques chiffres

 

Assistance Médicale à la Procréation

  • 25 208 enfants sont nés par des techniques d’AMP en 2014[4], soit 3.1% des enfants nés en France ; 5% d’entre eux sont issus d’un don de gamètes.
  • Pour atteindre ce résultat, 87 310 tentatives de fécondation in vitro et 56 468 tentatives d’insémination artificielle ont été réalisées. 288 950 embryons ont été conçus pour les fécondations in vitro, dont 77 841 ont été transférés, 62 862 congelés, et 148 247 « ni congelés ni transférés » (Ces embryons sont détruits car jugés de « qualité insuffisante »).
  • 501 femmes ont fait un don d’ovocytes et 238 hommes ont fait un don de sperme.
  • Au 31 décembre 2014, 208 829 embryons étaient « en cours de conservation », dont 142 298 faisaient l’objet d’un « projet parental », 35 348 en « abandon de projet parental »,  et 31 183 dans l’attente d’une réponse du couple.

 

Diagnostic Prénatal

  • Les CPDPN[5] ont délivré 7104 « attestations de particulière gravité en vue d’une IMG[6] pour motif fœtal » en 2014, dont 40% pour anomalies chromosomiques.
  • Près de 5000 IMG ont réalisées.
  • Parmi les 1956 fœtus diagnostiqués trisomiques [7] : 1552 ont fait l’objet d’une IMG, 75 sont nés vivants, 73 sont morts in utéro.

 

Diagnostic Préimplantatoire

  • 595 demandes ont été acceptées.
  • 191 naissances suite à un DPI, dont 28 issus d’un transfert d’embryons congelés.

 

Embryologie

  • 79 protocoles de recherche autorisés par l’ABM depuis le 1er septembre 2004.
  • 42 protocoles sont en cours, impliquant 36 équipes de recherche.
  • 18 309 des embryons « en cours de conservation » ont été « proposés à la recherche » en 2014.

 

Don d’organes

  • 5746 Greffes d’organes en 2015.
  • 14 500 malades inscrits sur la liste nationale d’attente d’une greffe d’organe au 1er janvier 2016.
 

[1] Prélèvement sur un donneur décédé après une décision de limitation ou d’arrêt des thérapeutiques prise en raison du pronostic péjoratif du patient.

[2] Chirurgien cardiaque à l’hôpital Georges Pompidou, il dirige une équipe de recherche pour un essai clinique de phase 1 utilisant des cellules souches embryonnaires humaines pour le traitement d’une maladie cardiovasculaire.

[3] Induced Pluripotentent Stem cells.

[4] Prise en compte du temps de grossesse

[5] Centre Pluridisciplinaire de Diagnostic Prénatal

[6] Interruption Médicale de Grossesse

[7] 256 issues de grossesse non renseignées

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