“La volonté créatrice de l’homme risque de faire de l’enfant une chose à disposition”

Publié le 10 Fév, 2013

 Dans un entretien accordé au quotidien La Croix, le philosophe Damien Le Guay explique comment "l’enfant n’est plus perçu comme un don mais comme un dû".
Ainsi, le philosophe précise que "pendant longtemps l’intention procréative et la biologie se sont articulées l’une et l’autre de façon relativement équilibrée". En effet, "quand les couples voulaient devenir parents, ils sollicitaient la Nature et oeuvraient avec elle". De fait, "l’enfant était ‘coproduit’ par les parents et la Nature". Mais au cours des dernières décennies, cette "articulation" entre "volonté" et "biologie" a été chamboulée et, précise-t-il "nous assistons à deux mouvements contraires". "D’une part, dans certains cas, le biologique ‘dit’ l’intention ou en tient lieu. C’est ainsi qu’il faut comprendre la multiplication des demandes de reconnaissance en paternité. […]. En sens inverse émerge un ‘désir d’enfant’ dissocié du biologique. La contraception permet d’aménager ‘le bon moment’ et la procréation médicalement assistée [PMA], d’aider les couples pour partie stériles". Or,  précise Damien Le Guay, "avec une PMA qui serait étendue aux couples de femmes, il s’agit d’avoir un enfant sans en avoir ‘naturellement’ les moyens. Il suffit ‘d’emprunter’ du matériel génétique sans le rendre". Par conséquent, pour le philosophe, "la médecine n’arrange plus, elle invente la filiation", et "en sacralisant la volonté, en abaissant la Nature (devenue un stock génétique), on en revient finalement à une conception dualiste de l’homme opposant un principe spirituel noble (la volonté) et le corps confondu avec du matériel génétique à disposition".  
Ainsi, "notre rapport à l’enfant à naître" n’est plus le même. Pour le philosophe, "un glissement s’opère" dans le sens où "l’enfant n’est plus perçu comme un don, mais comme un dû". Il explique: "le don: je le reçois et il me dépasse. […] Recevoir un enfant comme un don, c’est considérer que je participe à une mise au monde, à une pro-création sans en être le maître. Je suis l’instigateur d’une origine antérieure à moi et d’un enfant qui aura ‘sa’ vie. […]. Inversement, si l’enfant est dû, cela me donne un droit sur l’enfant que j’ai ‘fait’. Nous ne sommes plus dans le domaine de l’accompagnement mais de la volonté revendicatrice et créatrice, avec le risque de faire de l’enfant une chose à disposition". 
Enfin, interrogé sur ce qu’il pense du fait "qu’au nom de légalité et de la lutte contre les discriminations sera peut-être ouverte prochainement l’aide médicale à la procréation", Damien le Guay répond que "c’est en effet au nom de l’impératif d’égalité que les couples homosexuels exigent des droits strictement semblables aux autres". Ainsi, il s’interroge: "mais jusqu’où va l’égalité quand elle ‘butte’ sur la Nature? La logique irrésistible de l’égalité refuse toute les formes d’assignation, à résidence, à corps, ou à identité. Tout doit pouvoir changer: qui je suis ou comment je suis. Tout doit devenir flou, incertain, trans, bi… Dès lors, les réalités (être un homme alors qu’on souhaite être une femme; ne pas pouvoir ‘avoir’ un enfant avec un conjoint de même sexe) deviennent autant d’inégalités. Le droit doit les corriger, les réparer". Il ajoute: "ceux qui refusent de corriger les ‘défaillances’ de la Nature sont coupables de prolonger un ordre sexiste, patriarcal et homophobe". Pour Damien Le Guay, "manifestement, il s’agit-là d’une conception extensive de la lutte pour l’égalité des droits". 

 La Croix (Marie Boëton) 11/02/13

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