La stérilisation des personnes handicapées

Publié le 14 Fév, 2006

Le journal La Croix consacre un dossier spécial à la question de la stérilisation des personnes handicapées.

Dans un ouvrage intitulé Stériliser le handicap, Nicole Diederich, chercheuse à l’Inserm, décrivait en 1998 les stérilisations forcées de jeunes filles handicapées. Le 4 juillet 2001, dans le cadre de la loi sur l’allongement du délai légal de l’interruption volontaire de grossesse, a été voté un article sur la stérilisation des personnes handicapées visant à encadrer de telles pratiques. Les évêques avaient dénoncé à l’époque une atteinte à l’intégrité des personnes.

D‘après le texte, "la ligature des trompes ou des canaux déférents à visée contraceptive" est interdit sur les mineurs mais autorisée sur les majeurs lorsqu’ils ont exprimé "une volonté libre et motivée". Pour les majeurs protégés, la décision est confiée au juge des tutelles.

Pour résumer "le principe reste celui d’une interdiction de la stérilisation, sauf lorsqu’il existe une contre-indication médicale absolue aux méthodes de contraception, ou une impossibilité avérée de les mettre en oeuvre efficacement" explique Anne Caron, membre de l’Association nationale des juges d’instance.

Depuis le vote de cette loi, aucun bilan n’a été fait. Certains estiment que des stérilisations illégales, en clinique ou à l’étranger continuent à être pratiquées. "Dans tous les établissements, les questions de la sexualité, de la contraception, voire de l’IVG, se posent. Comment sont-elles résolues ?" s’interroge Anne Caron. De son côté, Guy-Marie Cousin, président du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens, estime peu probables ces stérilisations hors-la-loi : "fréquemment mis en cause aujourd’hui, les médecins sont devenus plus soucieux du respect des procédures" explique-t-il.

La Croix revient sur le cas de Nathalie, infirme moteur et cérébral qui, alors qu’elle vivait avec son compagnon, a été contrainte à l’âge de 23 ans de se faire stériliser. Sa famille, notamment sa mère, lui a expliqué qu’avec son handicap, elle ne saurait pas s’occuper convenablement d’un enfant. Elle a vécu cette stérilisation comme "un deuxième handicap". Nathalie ignorait que cette pratique était illégale mais vivant sous l’emprise de sa mère, elle s’est laissée faire. Par la suite, la jeune fille a fait une dépression et des tentatives de suicide. Aujourd’hui alors qu’elle a coupé tous liens avec sa famille, elle a reconstruit sa vie malgré ce "quelque chose de cassé" et a décidé de porter l’affaire devant la justice. Le procès devrait avoir lieu l’année prochaine.

Pour Danielle Moyse, chercheuse à l’Inserm, les conditions visant à encadrer ces pratiques étaient déjà énoncées avant la loi de 2001 et ne nécessitaient pas l’intervention d’une nouvelle loi. Elle estime que la dépénalisation de la stérilisation est d’autant plus paradoxale que les moyens contraceptifs sont de plus en plus nombreux. Elle craint que cette loi n’"écrase une certaine éducation à la sexualité, voire à la parentalité, quand elle est possible". Elle se demande si cette loi n’a pas favorisé les stérilisations des personnes handicapées. Elle dénonce le fait que l’on justifie ces stérilisations derrière un motif thérapeutique alors qu’à ses yeux se cache souvent une raison plus "sociale", comme les interruptions médicales de grossesse censées être réservées aux cas "d’une exceptionnelle gravité" et que certains comités d’experts avalisent sur des critères de détresse psychologique ou sociale des parents.

Quant à Philippe de Lachapelle, Président de l’Office chrétien des personnes handicapées, il se dit choqué par cette loi. A ses yeux, ces dispositions sont venues sans débat, sans réflexion et sans évaluation de ses conséquences humaines et psychologiques. Il s’interroge sur le recueillement du consentement de la personne et explique que des manipulations sont toujours possibles sur les personnes fragiles.
Il craint qu’une fois les jeunes filles stérilisées, on soit moins attentif à leur épanouissement humain et affectif et qu’elles soient plus vulnérables à d’éventuels abus sexuels. Il estime enfin que l’on dissocie chez ces personnes ce qui est sexuel de ce qui est amoureux et que l’on ne considère la question du plaisir des personnes handicapées que sous l’angle génital. Dans ce cadre, explique-t-il "plus on ira dans cette direction, plus la tendance sera de stériliser ceux qui nous font peur".

La Croix (Anne-Bénédicte Hoffner) 14/02/06

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