Le 17 mars dernier, CNN a publié les résultats d’une étude parue le même jour dans la revue scientifique JAMA Network Open [1]. Les traitements hormonaux auraient un effet bénéfique sur la santé mentale des personnes majeures se déclarant transgenres. La journaliste et essayiste Pauline Arrighi, auteur des Ravages du genre aux éditions du Cerf, apporte son éclairage sur cette étude et les conclusions qu’elle tire.
Premier auteur de l’article publié par la revue JAMA Network Open, l’épidémiologiste Sari Reisner, de l’Université du Michigan, déplore la forte prévalence de dépressions et de risque suicidaire parmi les personnes se déclarant transgenres aux Etats-Unis. Leur taux serait plus de trois fois supérieur à celui de la population générale.
Réagissant à cette étude pour CNN [2], la psychologue Michelle Forcier impute cette fragilité particulière aux « biais et à la discrimination » subie par la population transgenre. Le Dr Melina Wald va plus loin en affirmant que ces traitements « inéquitables » maintiennent ces personnes à l’écart des soins médicaux dont elles auraient besoin. Leur statut prétendument marginal dans la société impliquerait un moindre accès aux services de santé, donc aux traitements hormonaux de « réassignation ». La discrimination limiterait l’accès à des soins qui réduit le risque de suicide.
Au contraire, « les patients transgenres, non-binaires et qui présentent une diversité de genre (gender diverse) à qui l’on a prescrit des hormones présentent un risque inférieur à 15% de présenter des symptômes de dépression modérée à sévère », affirme le Dr Reisner.
Des études produites par des « chercheurs » engagés
Notons que le Dr Michelle Forcier, interrogée par CNN, est membre de l’organisation FOLX Health [3]. Cette dernière prodigue des psychothérapies aux membres de la « communauté LGBTQIA+ ». L’organisation, qui promeut l’administration de traitements hormonaux pour les personnes « qui ne se conforment pas au genre », a été fondée par A.G. Breitenstein, ancien directeur de Leerink Swann, une banque d’investissement spécialisée dans l’industrie biomédicale.
Le Dr Melina Wald, interviewée également par CNN, occupe un poste de direction auprès du programme Gender and Sexuality de l’Université Columbia. Ce département a été co-fondé par le Dr Walter Bockting, qui fut Président du WPATH (World Professional Association for Transgender Health) de 2009 à 2011 [4]. Le Dr Reisner, quant à lui, est membre du Conseil d’administration du WPATH [5]. L’étude dont il est le premier auteur a-t-elle été menée avec neutralité ?
Des organisations militantes à l’origine de directives en matière de santé
Le WPATH est une organisation à l’origine de directives en faveur des transitions de genre qui font autorité au niveau international. Elle promeut le protocole néerlandais, dont le bienfondé scientifique a été démenti (cf. La fragile protection des enfants face aux lobbies trans-affirmatifs). De plus, en mars 2024, les « WPATH files » ont révélé que les experts à la tête de l’organisation ont conscience du manque de fiabilité de leurs méthodes (cf. Changement de genre chez les mineurs : la WPATH « coupable » d’une « fraude scientifique majeure et inqualifiable »). « Ils reconnaissent que leurs patients sont parfois trop jeunes pour comprendre les effets des hormones sur leur fertilité »[6].
L’entrisme militant en faveur de la « transition de genre » est une constante dans les organismes qui font autorité en matière de santé. L’OMS est actuellement en train d’élaborer une liste de recommandations pour « améliorer l’accès des personnes transgenres à une offre de soins de qualité et respectueuse ». La pédopsychiatre Caroline Eliacheff et la psychanalyste Céline Masson, auteurs de l’ouvrage Le sermon d’Hippocrate, dénoncent la partialité du groupe de travail qui a été composé dans ce but : « Sur les 21 experts choisis par l’OMS, (…) 16 sont des militants transactivistes, tandis qu’aucun n’est porteur d’une voix critique sur l’approche trans-affirmative du sujet. Ce collège d’experts ne représente pas l’état des controverses actuelles soulevées par cette approche »[7].
La démarche pseudo-scientifique de la « community-based research »
Par ailleurs, le Dr Reisner utilise la méthode de la « community-based research ». Il s’agit d’inclure dans le travail de recherche des membres du groupe social étudié. L’idée sous-jacente est que les connaissances liées à l’expérience vécue d’un sujet ont autant de valeur que celles qui résultent d’une démarche scientifique.
C’est un travail à visée non pas scientifique mais militante. En effet, « il implique souvent de former des partenariats et coalitions qui ont pour objectif de (..) servir de catalyseur à des initiatives politiques »[8].
Comme le précise l’article de CNN : « L’étude prend appui sur les données (…) issues de centres communautaires de Boston et New York »[9].
La population étudiée n’est pas un échantillon randomisé, mais le public d’organismes qui défendent activement la transition de genre. Ces personnes sont très vraisemblablement en accord avec les revendications des centres communautaires qu’elles fréquentent.
En s’intéressant exclusivement à cette population, les chercheurs oblitèrent le fait qu’il existe aussi des personnes qui ont subi une « transition de genre » sans pour autant fréquenter les centres communautaires.
Ces dernières ont peut-être vu leur santé mentale se détériorer, certaines regrettent même peut-être leur transition. Dans ce cas, elles se sont vraisemblablement éloignées des organismes qui défendent cette démarche ; et les chercheurs ne les auront pas prises en compte dans leur étude.
On peut aussi présumer que le fait même de fréquenter régulièrement un centre communautaire a des effets positifs sur la santé mentale. Le sentiment d’appartenance, le fait d’être entouré et de se sentir soutenu contribuent fortement à lutter contre la dépression. La prise d’hormones n’est donc certainement pas le seul facteur à prendre en compte.
Aucune étude indépendante n’a montré que la transition médicale réduirait le risque suicidaire
Par manque d’objectivité et de rigueur méthodologique, l’étude citée par CNN ne permet pas d’établir un lien entre « transition de genre » hormonale et baisse du risque de suicide.
En France, l’Observatoire de la Petite sirène a publié deux articles sur la question qui respectent la méthode scientifique.
Le premier, qui traite de la mortalité chez les jeunes orientés vers les services d’identité sexuelle en Finlande sur une période de 25 ans, révèle que « le suicide chez les jeunes de moins de 23 ans qui consultent les services du genre en Finlande est un événement inhabituel (0,3 %) » – contrairement à ce qu’affirmait l’épidémiologiste Sari Reisner relayé par CNN. « L’étude n’a pas trouvé de preuves convaincantes (…) d’association statistiquement significative entre le changement de sexe et le risque de suicide »[10] (cf. Risque de suicide : au-delà de la dysphorie de genre, prendre en compte les antécédents psychiatriques).
Quelques mois plus tard, en septembre 2024, une équipe de chercheurs de l’Université du Texas s’est posé la question de la baisse du risque de suicide après une « transition » chirurgicale chez des adultes de 18 à 60 ans. Après avoir analysé les données de 56 organismes de santé américains, les scientifiques en ont tiré la conclusion suivante : « les personnes ayant subi une chirurgie d’affirmation de genre présentaient un risque de tentative de suicide 12,12 fois plus élevé que celles qui ne l’avaient pas subi »[11] (cf. Les chirurgies de changement de genre associées à une augmentation des suicides).
La prise d’hormones dans un but de « transition de genre » ne présente aucun bénéfice avéré pour la santé mentale des personnes qui se déclarent transgenres, elle aggraverait plutôt leur état. Chez les patients mineurs, elle présente en outre de graves risques pour la santé physique dont l’ampleur n’a pas encore été pleinement appréhendée [12].
[1] Reisner SL, Pletta DR, Keuroghlian AS, et al. Gender-Affirming Hormone Therapy and Depressive Symptoms Among Transgender Adults. JAMA Netw Open. 2025;8(3):e250955. doi: 10.1001/jamanetworkopen.2025.0955
[2] Madeline Holcombe, “Gender-affirming hormone therapy is linked to lower depression in transgender adults, study shows”, CNN Health, 17 mars 2025. https://edition.cnn.com/2025/03/17/health/gender-affirming-hormone-therapy-depression-wellness/index.html
[3] https://www.folxhealth.com/about
[4] https://www.columbiadoctors.org/specialties/psychiatry-psychology/our-services/gender-sexuality-program-gsp
[5] https://sph.umich.edu/faculty-profiles/reisner_sari.html
[6] Hanna Barnes, Why disturbing leaks from US gender group WPATH ring alarm bells in the NHS , The Guardian, 9 mars 2024.
[7] Paul Sugy, Transition de genre : des médecins s’inquiètent d’une future directive de l’OMS , Le Figaro, 11 janvier 2024.
[8] Yale School of Medecine, What is Community Engaged Research (CER)?
[9] CNN, op. cit.
[10] Mortalité par suicide chez les adolescents et les jeunes adultes dysphoriques en Finlande – SEGM, La Petite sirène, 26 avril 2024.
[11] Risque de suicide et d’automutilation après une chirurgie d’affirmation de genre, La Petite sirène, 24 septembre 2024.
[12] Voir Pauline Arrighi dans Les Ravages du genre, éditions du Cerf, 2023
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