Un décret du 1er avril[1] dispose que « les soins de conservation sont «interdits sur le corps des personnes décédées », et que « les défunts atteints ou probablement atteints du covid-19 au moment de leur décès font l’objet d’une mise en bière immédiate, la pratique de la toilette mortuaire [étant] interdite pour ces défunts ».
Pour Stéphane Audouin-Rouzeau, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), il s’agit d’un « saut anthropologique sans précédent dans le traitement qui est fait au corps ». Dans un processus du deuil, « l’étape de la séparation des corps des vivants d’avec les morts est primordiale dans l’intégration de la fin de vie dans la psyché des endeuillés », précise Stéphane Audouin-Rouzeau. « Or, désormais et jusqu’à nouvel ordre, cette étape n’a plus d’existence anthropologique, elle est sabotée, niée, abrogée », il regrette « un saut dans l’inconnu qui risque de laisser de lourdes traces », de préparer « une génération de mal allant, de traumatisés et bien de mal à vivre ». En effet, « la période des funérailles est essentielle à la reconstruction intime de ceux qui restent ». « Le lien intime qui nous unit, cet amour que nous partageons les uns pour les autres ne peut se satisfaire d’un tel traitement des corps morts ».
Stéphane Audouin-Rouzeau, dénonce les considérations aseptisées qui président au confinement : « Fini, le visage de l’infirmière illuminée de son sourire, terminé, la main douce et secourable de l’aide-soignante, tout n’est plus que protocole et technique de soin, prudence et distanciation sociale ». Il regrette qu’on ait ouvert « un large parapluie pour se protéger d’éventuelles conséquences, en oubliant les règles de la plus élémentaire humanité ».
La Croix, Guillaume de Fonclare (20/04/2020)