La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné le 6 octobre dernier, l’application rétroactive de la loi française dite "anti-arrêt Perruche" de 2002.
Deux familles d’enfants atteints de graves handicaps congénitaux non décelés en raison d’une erreur médicale, avaient saisi la CEDH pour contester l’application de la loi à leurs dossiers, alors que les dépôts de plaintes étaient antérieurs à la promulgation du texte. La loi a "supprimé rétroactivement une partie essentielle des créances" auxquelles les couples pouvaient avoir droit, ce qui constitue une atteinte au respect de leurs biens.
La loi du 4 mars 2002 précise que les coûts matériels résultant du handicap doivent être pris en charge par la solidarité nationale. La Cour dénonce aujourd’hui "l’incertitude régnant sur l’application de cette loi de février 2005 en faveur des personnes handicapées [qui fixe les modalités de compensation] quant à sa date d’entrée en vigueur et aux montants pouvant être versés".
Claude Evin qui s’était battu contre la loi "anti-arrêt Perruche" estime aujourd’hui que le gouvernement va devoir négocier car pour lui l’arrêt rendu par le CDHE ébranle le dispositif anti-Perruche : "Le problème n’est pas seulement la rétroactivité. Ce texte interdit à des particuliers de demander réparation d’une faute. Or toute personne peut réclamer réparation de son préjudice" estime t-il.
Mais, il n’en est rien. La CEDH ne remet en cause que la rétroactivité de la loi. Des analystes estiment même que cet arrêt confirme, s’il en était besoin, la loi anti-arrêt Perruche du 4 mars 2002.
La Cour admet en effet que la loi du 4 mars 2002 "servait une cause d’utilité publique" et prend acte de la volonté du législateur français de "modifier le droit en matière de responsabilité médicale". "Ce régime était le résultat de débats parlementaires approfondis, au cours desquels il a été tenu compte de considérations d’ordre juridique, éthique, social, ainsi que de raisons liées à la bonne organisation du système de santé et au traitement équitable de l’ensemble des personnes handicapées. Comme l’indique le Conseil d’État dans l’avis précité, le législateur s’est prononcé sur la base de motifs d’intérêt général, dont la validité ne saurait être remise en cause par la Cour".
La Cour reconnaît "qu’il ne lui appartient pas de se substituer aux autorités nationales pour apprécier l’opportunité de la mise en place d’un tel régime, ni en quoi pourrait consister la politique optimale en ce domaine social difficile. En la matière, on doit reconnaître aux États contractants une importante latitude" ajoute t-elle.
Dès lors, estime t-elle "on ne peut raisonnablement prétendre que le législateur français, en décidant de réorganiser le régime de compensation du handicap en France, a outrepassé la marge d’appréciation importante dont il dispose en la matière ou rompu le juste équilibre à ménager".
Le Monde (Sandrine Blanchard) 08/10/05 – Le Quotidien du Médecin 10/10/05 – Le Figaro 07/10/05 – Libération (Blandine Grosjean) 08/10/05 –