Le 23 mars dernier, l’entreprise 23andMe a engagé une procédure volontaire de redressement judiciaire. Cet échec est avant tout lié aux conséquences d’un piratage massif des données personnelles de 5,5 millions de personnes en 2023 (cf. Piratage de 23andMe : les données de 6,9 millions de clients compromises). L’entreprise a dû les indemniser, et son image a pâti de ce déboire.
Fondée en 2006, l’entreprise était devenue leader sur le marché des tests génétiques dans les années 2010. Pour moins de 200 dollars, chacun pouvait effectuer un test salivaire afin de connaître ses origines ethniques, découvrir des liens de parenté avec des inconnus ou encore une prédisposition à certaines maladies – obésité, sclérose en plaques, propension à l’arthrose ou aux addictions. Au total, 15 millions de personnes ont partagé leur ADN avec 23andMe.
Des données personnelles sur le marché ?
A présent, pour couvrir une partie de ses dettes, 23andMe pourrait mettre en vente les données personnelles qu’elle a accumulées. Cette nouvelle suscite de fortes inquiétudes, pourtant il n’y aurait rien de nouveau (cf. 23andMe vient de vendre toutes ses données génétiques à l’industrie pharmaceutique). Depuis le début de son activité, 23andMe a conclu au moins 30 accords avec des sociétés pharmaceutiques et biotechnologiques comme Pfizer, Genentech ou GlaxoSmithKline, leur donnant accès à ses bases de données (cf. Du business autour des tests génétiques : 23andMe vend les droits d’un médicament).
De plus, si les données ont déjà été utilisées à des fins de recherche, elles ne peuvent être supprimées que « partiellement », précise Sara Gerke, professeur agrégé de droit à l’Université de l’Illinois. Plus de 80 % des clients de 23andMe auraient consenti à participer à des recherches, selon l’entreprise.
De nombreux secteurs intéressés
Parmi les autres secteurs potentiellement intéressés figurent les compagnies d’assurance, qui pourraient utiliser ces données pour identifier les personnes présentant des risques plus élevés et augmenter leurs primes (cf. Australie : des assurances vie en fonction du profil génétique). Les institutions financières pourraient de leur côté vouloir suivre la relation entre les marqueurs génétiques et les habitudes de consommation lors de l’évaluation des prêts. Et les entreprises de commerce électronique pourraient utiliser ces données pour adapter leurs publicités aux personnes souffrant de pathologies spécifiques (cf. Les données génomiques, un « bien de consommation monnayable » ?).
Le 21 mars, le Procureur général de Californie, Rob Bonta, a publié une alerte « urgente » recommandant aux anciens clients de 23andMe se voient conseiller de demander la suppression de leurs données et la destruction de leurs échantillons d’ADN, en vertu de la loi sur la protection des données génétiques en vigueur en Californie.
Sources : Le Monde, Corine Lesnes (27/03/2025) ; Libération, Lise Viniacourt et AFP (26/03/2025) ; Le Journal de Montréal, Francis Pilon (26/03/2025) ; La Revue française de généalogie, Guillaume de Lorant (26/03/2025) ; Atlantico, interview de Laurent Alexandre (25/03/2025) ; Time, Andrew R. Chow (25/03/2025) ; Axios, Maya Goldman, Alison Snyder (25/03/2025) – Photo : iStock