La Croix et le Téléthon

Publié le 7 Déc, 2007
La Croix revient sur les débats éthiques suscités par le Téléthon.

 

Dans son éditorial, Dominique Quinio constate, qu’un an après la controverse sur le Téléthon suscitée par le financement des recherches sur l’embryon, “rien n’a bougé” du côté des organisateurs. L’Eglise, elle, ne veut pas taire les “graves interrogations soulevées” : “la création et l’utilisation d’embryons pour la recherche ; le tri des embryons avant implantation pour éviter que naissent des enfants porteurs d’anomalie génétique ; l’appât des profits financiers escomptés, devant lequel s’effacent aisément les réticences morales ; les approximations de la communication qui laissent à tort espérer des guérisons prochaines pour des maladies angoissantes…“.

 

La philosophe Danielle Moyse rappelle que “le débat autour du Téléthon – la question du désengagement de l’Etat dans la recherche, encouragé de fait par le Téléthon, l’exhibition de “beaux bébés” du Téléthon alors qu’il s’agit de rescapés du tri anténatal – ne touche pas seulement le monde religieux, mais, depuis déjà un moment, les milieux associatifs et les personnes handicapées“. Non croyante, Danielle Moyse regrette que, l’année dernière, “sous prétexte que les critiques venaient de l’Eglise, ce n’était pas à entendre“.

 

Pierre-Olivier Arduin, responsable de la commission bioéthique du diocèse de Fréjus-Toulon, se félicite du “réveil des consciences” opéré l’année dernière : “notre but n’était pas de faire baisser les dons du Téléthon, mais d’alerter les consciences sur des problèmes très graves“.

 

Dans son discours aux évêques prononcé à Lourdes il y a quelques semaines, Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris et nouveau président de la Conférence épiscopale, a rappelé que “la générosité ne légitime pas tout“. “Nous souhaitons donc que chacun réfléchisse et que soient entendues les graves questions que nous avons soulevées : tri embryonnaire, utilisation des cellules embryonnaires et médiatisation des jeunes malades.

 

Chacun est donc appelé à se poser ces questions essentielles, à l’instar de Christophe Creusat, président des AFC de la Meuse, qui “parce qu’on a commencé à parler de tri des individus sur les gènes“, n’a pas envoyé de chèque. “En tant que médecin, je ne pourrais pas accompagner mes malades myopathes ou trisomiques tout en ayant donné de l’argent pour qu’ils ne soient pas là“, explique-t-il. René Ridel, secrétaire du comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) à Nantes, ne se reconnaît pas dans les moyens mis en œuvre par le Téléthon : “l’Evangile dit “quand tu fais l’aumône, fais le discrètement“. (…) Avec le Téléthon, on est plutôt dans le pain et les jeux…” Engagée depuis plusieurs années aux côtés du Téléthon, une école de la Somme a, après que quelques parents aient fait part de leurs réserves à l’égard de certaines recherches financées par l’AFM, décidé de soutenir en alternance le Téléthon et une autre association.

 

Outre ces problèmes éthiques, Jacques Testart, “père” du premier bébé-éprouvette français, dénonce lui “l’impasse stratégique” et la “mystique généreuse” du Téléthon “qui abuse les malades et leurs familles“, alors que “la thérapie génique semble incapable de guérir la plupart des maladies génétiques“. Axel Kahn ajoute que ce débat, bientôt, n’aura plus lieu d’être. “Depuis un an les recherches sur les cellules souches dites adultes ont été confirmées” et, ce faisant, “l’AFM, qui privilégie la probabilité des résultats, s’engagera vraisemblablement davantage encore dans cette voie” [la recherche sur les cellules souches adultes, NDLR].

 

Aux Etats-Unis, les recherches sur l’embryon suscitent les mêmes débats éthiques. Heureusement, l’annonce de la découverte de Shinya Yamanaka (obtention de cellules pluripotentes à partir de cellules adultes de peau, sans détruire d’embryons), “pourrait signifier, à terme, la fin d’un débat douloureux sur cette recherche“.

 

La Croix interroge par ailleurs Laurence Tiennot-Herment, présidente de l’Association française contre les myopathies (AFM), sur son refus d’organiser un fléchage des dons. “Nous sommes défavorables au don fléché, car c’est (…) un risque de remise en cause de la stratégie de l’association.” “Un fléchage des dons provoquerait un saupoudrage qui nuirait à notre stratégie“, poursuit-elle. “La relation des donateurs avec le Téléthon est basée, depuis vingt ans, sur une confiance mutuelle.” “Les donateurs nous font confiance“, conclut-elle.

 

Le quotidien énumère ensuite les “points qui focalisent la critique” : la recherche sur l’embryon et le dépistage pré-implantatoire (DPI). La recherche sur l’embryon consiste à prélever des cellules de l’embryon (de facto détruit par cette manipulation) “pour les utiliser comme matériau de recherche“, explicite la Fondation Jérôme Lejeune. Bien que le problème soulevé soit d’ordre moral, pour certains ces recherches sont légitimes puisque autorisées par la loi de bioéthique de 2004, précise La Croix.
 

Quant au DPI, la journaliste explique bien qu’il s’agit de trier les embryons in vitro afin d’éliminer ceux qui ne sont pas “sains”. Elle cite les “détracteurs” du DPI pour qui cette pratique relève de “l’eugénisme” – car il n’est pas un acte médical : “il ne soigne pas , il élimine les fœtus atteints” – et ceux qui reprochent au Téléthon de surexposer des enfants nés en bonne santé “grâce” au DPI. Marianne Gomez, comme Dominique Quinio dans son éditorial, justifie le dépistage préimplantatoire par la souffrance des familles concernées. Elle estime en effet que dire “qu’un enfant a été guéri “grâce au DPI”” ou dire que “des couples à risque ont mis au monde des enfants indemnes d’une maladie grave grâce à l’utilisation du DPI“, c’est faire un “subtil distinguo”.

 

Enfin, La Croix donne la parole à une mère de famille, pour qui “le diagnostic préimplantatoire, qui permet de sélectionner des embryons non malades, n’a rien à voir avec l’eugénisme“. “Mon fils de 23 ans est atteint d’une myopathie (…). Si la science peut faire quelque chose pour guérir mon fils, je ne demande que ça.

 

[NDLR : N’est-on pas en droit de s’étonner de lire dans La Croix qu’il n’y aurait qu’un “subtil distinguo” entre un enfant guéri et un enfant rescapé du tri embryonnaire ?]

La Croix (Anne-Bénédicte Hoffner, Elodie Maurot, Pierre Schmidt, Marianne Gomez, Florence Pagneux, Flore Geffroy) 07/12/07

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