Par un arrêt du 14 décembre 2017, la Cour de Cassation a reconnu « qu’un enfant peut demander réparation du préjudice subi du fait de la mort accidentelle de son père, survenu alors qu’il était conçu et non encore né ».
En mission pour son entreprise de travail intérimaire, le père laissait son épouse enceinte et un enfant d’un an. Condamné par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des Vosges pour « une faute inexcusable », l’employeur a contesté l’existence d’un préjudice pour l’enfant né après l’accident qui a coûté la vie à son père.
Si, dans son jugement du 23 avril 2014, la Cour d’appel de Nancy avait donné raison à l’employeur, la Cour de Cassation, saisie par l’épouse, « a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l’arrêt de la Cour d’appel de Nancy, statuant que l’une des parties n’avait pas été convoquée à l’audience des débats ». Renvoyé pour être jugé sur le fond, l’affaire prend une autre tournure, la Cour d’appel de Metz reconnait dans un arrêt du 29 septembre 2016 qu’« il n’est pas contesté par l’appelante que M. G X souffre de l’absence définitive de son père, qu’il ne connaîtra jamais qu’au travers des récits des tiers. Cette souffrance constitue un préjudice moral, de même qu’entre dans le préjudice moral de sa mère le fait qu’elle était enceinte au moment de l’accident et qu’elle allait devoir élever seule ses deux enfants et non sa seule fille aînée. L’élément causal du préjudice moral de M. G X est l’accident du 9 septembre 2008 qui a généré directement l’absence de son père, peu avant sa naissance. Ce préjudice moral actuel doit être réparé. »
La société d’assurance de l’employeur forme alors, à son tour, un pourvoi en cassation qui vient d’être rejeté au motif qu’« attendu que, dès sa naissance, l’enfant peut demander réparation du préjudice résultant du décès accidentel de son père survenu alors qu’il était conçu ; qu’ayant estimé que l’enfant souffrait de l’absence définitive de son père décédé dans l’accident, la cour d’appel a caractérisé l’existence d’un préjudice moral ainsi que le lien de causalité entre le décès accidentel de son père et ce préjudice ».
Une dépêche Afp note que ce jugement introduit une nouveauté : « Un enfant né après le décès accidentel de son père a le droit de faire valoir un préjudice moral et d’être indemnisé. La Cour de cassation considère désormais qu’il existe un préjudice pour cet enfant, en lien direct avec l’accident, ce qu’elle excluait jusqu’à présent. L’enfant souffre de l’absence définitive de son père, qu’il ne connaîtra jamais qu’au travers de récits de tiers, ce qui est un préjudice moral, a expliqué la Cour d’appel dont l’arrêt a été approuvé. Dans cette affaire, il était par ailleurs difficile de faire une différence entre cet enfant et son frère aîné, âgé d’à peine un an au moment du décès du père, explique un magistrat de la Cour. En appliquant une autre solution, un seul aurait été indemnisé parce qu’il était né alors que les deux enfants subissaient en réalité le même dommage. » En reconnaissant que « le décès d’un père en si bas âge est incontestablement de nature à avoir des répercussions psychologiques importantes sur ces deux enfants », la Cour de cassation a logiquement conclu que « dès sa naissance, l’enfant peut demander réparation de ce préjudice causé alors qu’il était conçu.»
Vita (22/12/2017) ; Démarches administratives (28/12/2017)