La Cour d’appel de Pau refuse d’étendre l’homicide involontaire au cas de l’enfant à naitre

Publié le 24 Fév, 2015
Le 4 février 2014, le tribunal correctionnel de Tarbes avait condamné un automobiliste à trois ans de prison avec sursis pour “homicide involontaire sur fœtus”. (Cf. Synthèse Gènéthique du 10 février 2014). Sous l’emprise de l’alcool, l’automobiliste avait percuté une femme enceinte.

 

Le jugement s’est appuyé sur les expertises médicales ayant conclu que l’enfant à naitre, Yanis âgée de 30 semaines, n’était “mort que du fait de l’accident”. L’automobiliste avait souhaité accepter la sanction et ne pas interjeté appel de la décision.

 

Le parquet a pourtant contesté la décision du tribunal correctionnel devant la Cour d’appel de Pau, récusant la qualification d’homicide involontaire sur foetus. Le 5 février 2015, la Cour d’appel de Pau rendait sa décision : celle-ci refuse d’étendre la qualification d’homicide involontaire au cas de l’enfant à naître.

 

Dans son commentaire[1] de l’arrêt rendu par la Cour d’appel, Aude Mirkovic[2] met à jour certaines incohérences de procédure et d’interprétation.

 

  • D’abord, elle relève que le ministère public ne contredit pas la constitution de partie civile du père et de la mère “pour Yanis”, c’est-à-dire au nom de l’enfant à naître.
  • Ensuite, Aude Mirkovic remarque que la Cour d’appel s’appuie sur la jurisprudence de la Cour de cassation[3] pour exclure la qualification d’homicide involontaire. Cette dernière avait en effet jugé que l’article 221-6 du code pénal réprimant l’homicide involontaire d’autrui ne peut s’étendre au cas de l’enfant à naître “dont le régime juridique relève de textes particuliers sur l’embryon ou le fœtus”. Or, Aude Mirkovic rappelle que l’article 221-6 du code pénal ne précise pas que la victime doit être née.
  • Aude Mirkovic montre aussi l’infondé de cette interprétation selon laquelle seules les personnes nées peuvent être victime d’homicide involontaire. En effet, la naissance n’accorde qu’une personnalité juridique. Or l’article 221-6 du code pénal intitulé “des atteintes à la personne humaine” ne vise pas de près ou de loin la personnalité juridique.
  • Elle montre aussi l’infondé de penser que le fœtus ne relève que des “textes particuliers sur l’embryon ou le fœtus” comme l’a mentionné l’arrêt de la Cour d’appel du 5 février 2015. En effet, la Cour de cassation a déjà appliqué au fœtus des textes du droit commun: la Convention européenne des droits de l’homme, le Pacte international relatifs aux droits civils et politiques[4]. Elle admet aussi qu’il puisse faire l’objet d’un acte d’enfant sans vie, sans limite de gestation[5].

 

Aude Mirkovic conclut : “Il en résulte que les blessures causées accidentellement à un fœtus relèvent des violences involontaires dès lors qu’elles n’empêchent pas l’enfant de naître (art. 222-19 c. pén.), alors que les faits entraînant sa mort « ne sont susceptibles d’aucune qualification pénale » (Crim. 25 juin 2002, n° 00-81.359, D. 2002. Jur. 3099, note J. Pradel ) : comment constater sans cynisme que celui qui blesse un foetus a, d’un point de vue pénal, intérêt à le tuer ?”

 

Note de Gènéthique
Lire la tribune de Jerry Sainte-Rose (expert Gènéthique), Avocat général honoraire à la Cour de cassation et ancien Conseiller d’Etat.
 
[1] In: Recueil Dalloz 2015, p.378
[2] Aude Mirkovic est Maître de Conférence à l’Université d’Evry, Centre Léon Duguit.
[3] Cass., ass. plén., 29 juin 2001, n°99-85.973, D. 2001. Jur. 2917, concl. J. Sainte-Rose et note Y. Mayaud
[4] Crim. 5 mai 1997, n° 96-81.889 et n° 96-81.462, Bull. crim. n° 158 et n° 168
[5] Civ. 1re, 6 févr. 2008, n° 06-16.498, D. 2008. Jur. 1862, note G. Roujou de Boubée et D.
Vigneau

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