Journée mondiale de la trisomie 21 : « La personne trisomique nous lance un vrai défi anthropologique »

Publié le 22 Mar, 2021

« Laissez-nous entrer dans l’Histoire ! » Le 21 mars, journée mondiale de la trisomie 21, a vu fleurir diverses initiatives dédiées « à la défense des droits, de l’inclusion et du bien-être des personnes trisomiques ». Telle cette campagne de la Fondation Jérôme Lejeune figurant « des personnages historiques célèbres, des étoiles du sport ou de la chanson, dont les visages ont été remplacés par ceux d’enfants trisomiques ». Ou encore la sortie d’un clip de la chanteuse Cilou intitulé « Joyeux », réalisé en partenariat avec les cafés Joyeux qui emploient des personnes trisomiques.

Des personnes plus reconnues dans la société ?

On estime à 35 000 le nombre de personnes porteuses de trisomie 21 en France aujourd’hui. Des personnes à qui la société semble faire une place. Ainsi, en septembre 2020, le téléfilm Apprendre à t’aimer avait réuni « près de 4 millions de téléspectateurs en une soirée ».

« On voit des initiatives d’inclusion très positives », reconnaît Thierry de la Villejégu, directeur général de la fondation Jérôme Lejeune. Mais il en souligne la schizophrénie : « Pourquoi communiquer sur elles de leur vivant et leur refuser le droit à naître ? ». Il pointe « “un grand écart” qu’il est indispensable de résoudre individuellement, sociétalement, politiquement ».

Pour Vanessa Arcos, maman d’une jeune fille de 11 ans porteuse de trisomie 21, « la trisomie 21 n’est pas une identité, c’est une particularité ». « Les personnes porteuses de trisomie 21 vivent avec nous, rappellent-elles, elles sont nos enfants, nos sœurs, nos frères, nos voisines, nos voisins. Elles veulent être aussi nos camarades de classe, nos collègues de travail et des citoyens à part entière. »

Pour cette maman, « cette journée du 21 mars est l’occasion de lutter contre les clichés qui définissent trop souvent la trisomie 21. Une journée mondiale pour rappeler que les personnes trisomiques ne sont pas toujours heureuses, qu’elles ne sourient pas béatement devant l’injustice du monde. Elles sont sensibles, ont leurs propres opinions, leurs propres goûts, elles savent lire et faire des projets d’avenir. » Comme le montre l’exemple d’Eléonore Laloux, première personne porteuse de trisomie 21 à avoir été élue en France. Elle siège au conseil municipal d’Arras depuis 2020.

Le dépistage prénatal généralisé

En France, « seules 25 % des personnes porteuses de trisomie auraient moins de 20 ans ». Une proportion qui s’explique par la généralisation du dépistage prénatal de ce syndrome, depuis 1997. « 96 % des grossesses d’enfants trisomiques débouchent sur une interruption de grossesse », alors que « la trisomie 21 n’est pas une affection létale ». Pourtant elle figure bien parmi les « motifs les plus courants d’Interruption Médicale de Grossesse – possible jusqu’à la veille de l’accouchement ».

« Je remarque les propos de médecins, de professeurs de médecine, qui nous disent être dans un eugénisme parfaitement assumé, note Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme Lejeune. Pour eux, c’est un “bon” eugénisme. Il est pour les femmes, le bien de la société, etc. C’est comme le cholestérol, il y’a un “bon” et un “mauvais” eugénisme. Le “bon” c’est celui qui élimine les enfants porteurs de maladies insupportables. Et la trisomie est parmi celles-ci ».

Un « eugénisme » également rémunérateur. « Le marché des tests de dépistage de la trisomie 21 rapporte des dizaines de milliards dans le monde ! », souligne Jean-Marie Le Méné.

Du diagnostic au soin

« L’objet principal de la fondation est quand même d’assurer des consultations aux trisomiques, rappelle son président. Notre essor est dû au nombre de demandes de consultation, les patients nous sont envoyés par les hôpitaux, ils viennent de partout, indique-t-il. (…) Les hôpitaux ne font plus de longues consultations. Une fois la trisomie détectée, c’est tout, il n’y a plus rien à faire. Mais pour nous il n’y a pas plus rien à faire. On soigne cette maladie depuis plus de 60 ans ».

Un accompagnement qui porte ses fruits. En effet, « une meilleure connaissance clinique permet de sauver les personnes trisomiques d’un très grand nombre de comorbidités, leur offrant un plus grand confort de vie ». Ainsi, « certaines complications (reflux gastro-œsophagien, insuffisance musculaires, troubles thyroïdiens) sont mieux prises en charge et l’accompagnement gériatrique est bien meilleur ». La conséquence : « alors qu’en 1960, une personne trisomique mourait en moyenne à l’âge de 10-12 ans, aujourd’hui, certaines atteignent 75 ans ».

Et en ce qui concerne d’éventuels traitements afin de « réduire la déficience intellectuelle », « plusieurs pistes thérapeutiques sont poursuivies en France et à l’international, permettant de franchir des étapes de plus en plus proches de la mise au point du médicament ».

Un défi anthropologique

Pour Thierry de la Villejégu, « la trisomie 21 met notre société au défi d’une approche intelligente, anthropologique, morale, pour accueillir celui que l’on craint, qui nous fait peur, qui est couvert de préjugés ». « La personne trisomique nous lance un vrai défi anthropologique. »

Sources : Le Figaro, Vanessa Arcos (19/03/2021) ; Aleteia, Domitille Farret d’Astiès (20/03/2021) ; L’Incorrect, Jeanne Leclerc (19/03/2021) ; La Croix, Emmanuelle Lucas (21/03/2021) – Photo : iStock

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